New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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17 Décembre 2020 - 18h15 • 23879 vues

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Tandis que les écarts se sont creusés en tête, après que Thomas Ruyant a connu une nuit perturbée par une « mauvaise blague », Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) a eu droit à un cours magistral dans la grosse dépression qui a secoué l’arrière de la flotte, hier.

Dans le grand amphi du campus de l’Indien, les bizuths font leur classe. Hier, pour la troisième fois de sa vie de skipper solitaire, Clément Giraud (Compagnie du lit-Jiliti) s’est fait croquer par la dépression qui est venue de l’Ouest pour secouer l’arrière de la flotte. Aussi rouge que la robe d’un avocat près la Cour de cassation, cette zone de basse pression a déboulé vers l’estrade, secouant l’enfant de la Martinique, qui vit désormais dans le Sud de la France et qui, comme s’était plu à le faire Kito de Pavant, avec son sens délicat de la dérision, pourrait lui aussi se proclamer « Le plus grand navigateur de tout l’étang »*. Vrai, Clément Giraud n’a pas fait son CP en baie de Morlaix et son secondaire en Bretagne, et il n’a pas son bac A, comme Atlantique. Mais le Toulonnais s’est démené pour créer son projet Vendée Globe, pour surmonter l’énorme contretemps provoqué par un incendie à bord de son IMOCA l’an dernier avant le départ de la Transat Jacques Vabre, et pour se mettre en condition de prendre la barre de l’IMOCA d’Erik Nigon avant que ne soient closes les inscriptions pour ce Vendée Globe.

« Mon esprit ne savait plus où aller »
Alors, Clément Giraud apprend, avec appétit…  et quelques frissons. Joint ce matin à la vacation, reposé par une sieste d’une heure qui en a finalement duré trois, il a raconté l’imposante séquence qui s’est imposée à lui.

© Jean-Louis Carli / Alea / VG2020« Les exercices de respiration que je fais m’ont bien servi hier : mon esprit ne savait plus où aller. Quand j’ai vu la naissance du ‘truc’, je me suis dit que ça devait pouvoir passer, en misant sur la route qui me mettrait le moins dans le front, bien Nord, et tant pis pour le classement. Au pire, je pouvais monter encore, et attendre que ça passe. Mais je me suis pris au jeu, j’ai senti que ça le ferait. J’étais prêt, mais je continuais à avoir du vent à 12 nœuds, j’étais collé au sol. J’ai refait un routage, parce que je me dis que, si ça se trouve, les conditions ont changé, mais non, c’est toujours le même schéma qui m’attend. Et, d’un coup, bam ! Le vent est rentré et la mer avec 35 nœuds d’un coup. Rac ! C’était parti. C’était énorme derrière (moi), il y avait des talus… Juste avant la bascule, il y avait des pointes à 49,5 nœuds, j’étais 2 ris dans la grand-voile et J3 (toute petite voile d’avant, pour une configuration quasi minimale, ndlr), le bateau partait dans tous les sens… Bam bam badabam ! J’étais un poil surtoilé, ce qui me permettait de ne pas être rattrapé par la dépression ».

© Jean-Louis Carli / Alea / VG2020 « Ça n’a pas duré longtemps, deux heures, mais tu ‘pleures’. Je n’ai pas pleuré, littéralement, mais je me suis rappelé que, si les autres ont tenu, il n’y a pas de raisons que je ne tienne pas. Et puis il y a un moment où tu ne peux plus rien faire. Jean Le Cam, il ferait quoi dans ces conditions ? À mon avis, il entre dans le bateau et il ferme, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre. Il faut voir le « merdier » que c’est une fois que tu as pris le front ! Tu l’attends à 9-12 nœuds, il te percute à 28 nœuds, tu pars dans des surfs incontrôlés dans une mer hachée... puis d’un coup tout s’arrête. Jérémie (Beyou) est venu aux nouvelles après le front, et je lui ai demandé comment il fait pour renvoyer de la toile après le passage d’un front – il a un bateau vraiment différent. Il m’a répondu : ‘Je fais comme toi’. En gros, il n’y a pas de solution ».


Yannick Bestaven dans le Pacifique
Cette nuit, à 1h30 du matin à l’heure des Sables, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) est entré dans les eaux du Pacifique Sud lorsqu’il a croisé la longitude 146°49’ Est, à hauteur de la Tasmanie. En tête depuis la veille au matin, le Rochelais a vu son leadership prendre de l’ampleur quand Thomas Ruyant a été contraint à un arrêt brutal vers 22 heures hier. LinkedOut était plein d’eau, en tout cas dans la soute avant, aux portes fermées. Aussitôt, le skipper nordiste a activé deux pompes à eau pour vider son IMOCA avant de pouvoir aller faire un tour du propriétaire. L’inspection a permis de déceler la cause : les deux loquets de la trappe avant s’étaient ouverts sous l’effet des vagues, tandis que LinkedOut avançait à plus de 25 nœuds. Thomas Ruyant a alors repris sa route, délesté des litres d’eau qui freinaient son monocoque, avec 125 milles de retard sur Yannick Bestaven.

Depuis, l’écart s’est amoindri. Au classement de 15 heures, il n’était plus que de 100 milles. La mésaventure de Thomas Ruyant a permis à Charlie Dalin de se trouver un lièvre. Stoppé lundi soir par une avarie de cale basse de foil, à bâbord, le skipper d'Apivia avait concédé son leadership, puis 149 milles de retard sur le duo de tête. Ce jour, le Normand avait grignoté 20 milles de son retard en 24 heures (+125,4 nm à 15 à heures). Ce trio continuait aujourd’hui d’avancer à l’avant d’un front qui leur permettait d’aller vite, sur une mer plate. Ces conditions de glisse devraient les pousser jusqu’à ce vendredi matin, sur une route Est quasi obligatoire, et les prévisions météo ne mettent pour l’heure pas de gros obstacle sur leur route pour les jours à venir. Une dépression qui descend de la Tasmanie s’évacue par le Sud sans les toucher. Cependant, elle va casser le flux de Sud-Ouest, et le tempo va ralentir.

C’est mou en dessous ! 


© Jean-Marie Liot / Alea De la même manière, le peloton de chasse va également changer de cadence. Si Jean Le Cam (Yes We Cam!) a exploité tant qu’il pouvait le petit front de Sud qui lui a permis de raffermir sa position de 4e (à 481 milles de la tête), il devra ne plus avancer que dans des vents de 15 à 18 nœuds tout en évitant les poches de molle anticyclonique qui rôdent. Ce schéma, qui vaut aussi pour Boris Herrmann (5e), Damien Seguin (6e), Benjamin Dutreux (7e) et Louis Burton (8e), situés plus au Sud, pourrait faire les affaires de Clarisse Crémer (12e) et de Romain Attanasio (13e). Peut-être y a-t-il dans cette séquence une occasion de grignoter du terrain sur Maxime Sorel, 11e à environ 320 milles devant, voire sur Giancarlo Pedote et Isabelle Joschke, 10e et 9e ? 



Pit-stop à Macquarie en prévision pour Louis Burton
© Stéphane Maillard / Bureau Vallée Depuis un bon moment, Louis Burton attend l’occasion de se poser dans une zone abritée pour abattre ce qui, dans la to do list technique, ne peut être résolu que sur mer plate. Ce jeudi, Louis Burton a annoncé qu’il avait jeté son dévolu sur la côte Est de l’île australienne Macquarie, dont les altitudes (jusqu’à 300 mètres) vont lui assurer de trouver une zone à l’abri du vent et des vagues. Une fois-là, le skipper de Bureau Vallée 2 traitera les problèmes suivants : rail de grand-voile cassé en haut du mât, 'hooks' non opérationnels, J2 inutilisable. Tout ça pour des problèmes de pilote automatique qui ont provoqué un empannage intempestif du genre à faire voler les ennuis en escadrille. « Au pire, a dit le skipper ce jour, ça va me faire perdre 4-5 heures. Après cela, je devrais récupérer un bateau à peu près opérationnel ». 


Destremau à nouveau manœuvrant
Il y a deux jours, Sébastien Destremau (merci) a perdu l’usage de sa barre, ce qui n’est pas pratique pour diriger un bateau. Coup de chance, le Toulonnais n’a pas eu à affronter les pires conditions. Surtout, le dernier du Vendée Globe 2016-2017 a fini par trouver une solution pour reconnecter ses deux safrans au système de pilotage. « Un nouveau vérin hydraulique de pilote automatique et ses accompagnements ont été mis en place cette nuit. Il ne reste maintenant qu’à finaliser l’installation, purger pour chasser l’air qui est dans le vérin, réinitialiser la centrale électronique et tester tout le bazar pour voir comment ça fonctionne et surtout si ça tient ».

Le chiffre du jour : 1 million
En ce jeudi 17 décembre, Virtual Regatta est fier d’annoncer que la barre du million d’inscrits à la course virtuelle du Vendée Globe a été franchie !

La jolie visite
Il est des rendez-vous qui réchauffent le cœur. Ce midi, Kevin Escoffier est venu au PC Course pour voir et remercier la Direction de Course du Vendée Globe d’avoir mené les opérations de sauvetage qui lui ont permis de s’extirper d’une fâcheuse posture après que son PRB s’est cassé, le 30 novembre dernier. Kevin Escoffier a également été l’invité de l’émission Vendée Live.