New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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22 December 2020 - 19h31 • 24442 vues

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Au fil des éditions du Vendée Globe, les connaissances acquises et les moyens techniques de suivi des dérives des glaces antarctiques ont influé sur la définition du tour du monde en solitaire sans escale. Aujourd’hui grâce aux images satellites et à la collaboration de CLS (Collecte Localisation Satellites, filiale du CNES), la Direction de Course peut établir un tracé prenant en compte ces dangers flottants dans les mers du Sud. Explications de Jacques Caraës…

Le parcours du Vendée Globe a évolué au fil des éditions puisque lors de la première épreuve (1989), il n’y avait aucune marque de parcours si ce n’est de laisser les trois caps (Bonne-Espérance, Leeuwin, Horn) à bâbord. Puis en 1992 et 1996, seule l’île Heard (dans le Sud-Est de l’archipel des Kerguelen) a été marque de parcours à laisser à tribord. La connaissance des glaces dérivantes de l’Antarctique était alors limitée aux journaux de bord des explorateurs et des équipages qui avaient participé à la Whitbread (course autour du monde en équipage en quatre étapes), aux quelques bateaux de pêche de l’océan Indien et aux peu nombreux cargos qui franchissaient le cap Horn.

« À partir de 1997, on a commencé à parler d’imposer des points de passage pour éviter que les solitaires ne rasent de trop près l’Antarctique, car plus le bateau navigue dans le Sud près du pôle, moins il fait de route pour rallier le cap Horn. Car après 1996, trois chavirages dans l’océan Indien et la disparition de Gerry Roufs dans le Pacifique en relation avec des trajectoires de plus en plus Sud comme celle de VDH en 1992 où il s’était retrouvé entouré de glaces vers 64°S, ont incité les organisateurs à empêcher les excès. » indique Jacques Caraës, Directeur de Course du Vendée Globe.

Les portes des glaces

Rapidement, le choix se détermine pour des « portes des glaces » afin de laisser une marge de manœuvre aux skippers : dans les faits, à une même latitude, le solitaire devait passer au moins une fois au travers d’un segment de cette « porte » d’une longueur variant selon les zones de 400 à plus de 800 milles. Cela permettait ainsi aux concurrents qui se suivaient parfois à plusieurs milliers de milles les uns des autres, de choisir le point de passage de cette « porte » selon les conditions météorologiques du moment. Le nombre de « portes » a varié au fil des dernières éditions, passant de cinq en 2004 à huit en 2012, celles-ci étant positionnées autour du 40°S dans l’Atlantique Sud, autour du 45°S dans l’océan Indien et autour du 55°S dans le Pacifique avant le cap Horn (56°S).

« Cela n’a pas empêché Sébastien Josse de percuter un growler dans le Pacifique en 2004 à bord de VMI ! Mais au fil des ans, CLS a pu collecter des informations dédiées à la position et au suivi des icebergs dans les mers du Sud. Notre connaissance de la dérive des glaces a nettement progressé et on peut désormais identifier des glaces dérivantes de moins de 500 mètres d’extension. »

Mais le problème ne vient pas des grosses parties de la banquise mais des icebergs qui se fractionnent jusqu’à leur disparition avec des morceaux de quelques dizaines de tonnes (growlers) qui flottent en ne laissant apparaître qu’un ou deux mètres au-dessus de l’eau. « Le déplacement d’une glace dérivante peut atteindre deux nœuds, soit près de 50 milles en une journée ! Même si CLS dispose maintenant de logiciels de simulation en fonction de la taille de la glace, de la température de l’eau et des courants généraux, il est très difficile de prévoir la trace réelle sur trois jours… »

Le mur des glaces

Pour simplifier la compréhension des trajectoires des solitaires et revenir à une plus grande simplicité du parcours, l’idée est venue depuis la huitième édition de remplacer les « portes des glaces » par une « Zone d’Exclusion Antarctique » (ZEA) inspirée par deux autres courses océaniques (Volvo Ocean Race et Barcelona World Race) qui avaient appliqué cette règle : les coureurs s’étaient exprimés en faveur de cette innovation.

« Aujourd’hui, cette ZEA fait passer près de l’île de Gough (Atlantique par 40°S et 10°W), remonte au-dessus des îles Marion, Prince-Édouard et Crozet, puis s’incurve vers le Sud des Kerguelen jusqu’aux alentours du 50°S. Ensuite, il nous faut respecter les points AMSA qui sont définis avec les services de sécurité en mer australiens pour ne pas être à plus de 1 000 milles d’un point d’intervention des secours. Et le « mur des glaces » descend alors vers le cap Horn jusqu’au 60°S environ. Mais ce n’est pas un trait continu : il y a un point tous les 5° de longitude, plus au moins Nord selon les données que nous avons sur les glaces dérivantes. Avant le départ, nous fixons clairement cette zone interdite en fonction des dernières informations fournies par CLS. »

Mais au cas où la Direction de Course constaterait une « montée » ou un « retrait » des glaces, ces points peuvent être déplacés plus ou moins vers le Nord ou le Sud. Les solitaires sont alors prévenus avant la modification du point. Ce fut le cas lors de la Barcelona World Race où les points ont été redescendus vers le Sud, suite à une fonte rapide des glaces dérivantes… Ce fut aussi le cas pour cette neuvième édition du Vendée Globe, lorsque CLS a constaté la présence de glaces dérivantes jusqu’à l’archipel de Crozet… Puis la ZEA a été « descendue » par deux fois après le « plateau » AMSA entre le cap Leeuwin et la Nouvelle-Zélande, et avant le point Nemo dans le Pacifique : la longueur du parcours actuel est ainsi de 24 410,89 milles.

« Il semble que 2020 ne soit pas une année plus riche en glaces dérivantes que les étés précédents : nous en avons repéré un gros dans l’Atlantique Sud mais il ne devrait pas monter au-dessus du 40°S même s’il est possible qu’il s’échoue sur la Géorgie du Sud. Et à ce jour, il n’y a pas d’icebergs aux approches du cap Horn. Au cas où nous aurions connaissance d’un changement de dérive des glaces entre le passage du premier et ses poursuivants, nous pourrons informer les skippers de la nouvelle position de ces icebergs. »

Des pénalités en conséquence

CLS effectue en effet des relevés par images satellites, par altimétrie, par analyse des températures et par les observations des navires (Kerguelen et cap Horn). Il est évidemment plus aisé de suivre la trace d’un tabulaire qui peut atteindre plusieurs dizaines de kilomètres de long, que celle d’un iceberg (quelques centaines de mètres). Mais là où les informations satellitaires manquent, c’est pour repérer les growlers (de quelques dizaines à quelques mètres de diamètre) : leur présence est toutefois liée à la fonte d’un iceberg et la zone de risque étant d’environ 20 milles autour d’une glace dérivante, la Direction de Course s’est donnée une marge de sécurité de plus de cent milles.

« Même si tous les coureurs IMOCA n’étaient pas favorables à cette Zone d’Exclusion Antarctique, il a fallu mettre en place des pénalités pour ceux qui malheureusement franchirait ce « mur des glaces »… Ainsi les solitaires du Vendée Globe se sont donnés la possibilité de revenir sur ce point ou plus à l’Ouest afin de réparer leur faute. » Dans le cas contraire, la pénalité définie par le Jury International pourra varier de 24 heures jusqu’à la disqualification. Il en sera de même pour les DST (Dispositif de Séparation du Trafic maritime) au large du cap Finisterre et près des Canaries, ainsi que pour une bande le long de la Mauritanie où des pirates ont été repérés.

La rédaction du Vendée Globe / DBo.