New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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04 January 2021 - 20h50 • 14676 vues

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Il a inspiré Jules Verne et a créé un enthousiasme énorme à La Rochelle : le phare du bout du monde était installé depuis 1884 sur l’île des États, prolongement de la Terre de Feu et séparé de la Patagonie par le détroit de Le Maire. Il a désormais sa réplique devant le port des Minimes de La Rochelle depuis janvier 2000…

Non loin du Horn et de son terriblement célèbre cap, il existe une autre île, dans le prolongement de la pointe Ouest de la Terre de Feu, nommée l’île des États (Isla de los Estados). Si le Horn n’est qu’un austère caillou, l’île du Bout du Monde est un morceau d’écorce terrestre digne de ce nom ! Parsemée de 125 lacs, son relief est très accidenté et culmine à 800 mètres. Vingt-cinq jours par mois, la pluie et plus souvent la neige tombe sur ses noirs rochers, et sa végétation luxuriante est constamment balayée de très violents vents. Brume et brouillard sont omniprésents, et lorsque le soleil perce enfin, il parvient difficilement à faire grimper le thermomètre jusqu’à 5°C…

Un jour, un homme un peu fou, qui préférait écouter ses rêves plutôt que la sage et ennuyeuse voix de la raison, alors qu’il naviguait dans les parages avec quelques amis, décida d’aller se promener sur l’île qu’ils étaient en train de doubler, l’île des Etats. Un signe de la main : « à tout à l’heure ! » et le bateau s’éloigna. André, le cœur léger et les mains dans les poches, partit à la découverte de ces cailloux et de ces plages du bout du monde. Mais rien ne ressemble plus à un caillou qu’un autre caillou, et à un arbre tordu qu’un autre arbre tordu… Et en quelques heures, André était perdu. Il ne retrouva ses amis que quatre jours plus tard, transi de froid et de faim, pieds nus, épuisé, pris au piège de cette nature primitive mais hostile à l’homme venu d’autres terres.

Plus loin que le monde

Pourtant, malgré le mauvais traitement que lui avait infligé cette île, l’aventurier en était tombé amoureux. Il y avait trouvé la nature à l’état sauvage, pure et dure. Aucune empreinte humaine, sur ce bout d’écorce terrestre. « Enfin, ça existe, et je sais où c’est, n’est-ce pas fascinant ? » Un peu moins d’un an plus tard, en décembre 1995, après avoir appris à tirer à l’arc dans son jardin de La Rochelle, Yul (c’est son surnom) partit cette fois-ci passer trois mois, seul, sur ce morceau de bout du monde. Armé d’une tente, d’un arc et de flèches, il entendait vivre là, de chasse et de pêche pendant les trois mois de l’été austral.

Le vent, le froid et surtout l’humidité l’y attendaient. Ses vêtements étaient trempés, aucun endroit plat et sec ne se prêtait à l’installation de sa tente. Tel un ours, André se réfugia dans une petite caverne. Il étouffa, la fumée de son feu n’y était pas pour rien bien sûr, mais cet abri manquait terriblement de fenêtres ! Alors il se construisit une cabane dans les arbres…

Ballotté par le vent, il s’inquiéta, puis s’habitua. Et lorsque l’orage gronda, il rentra la tête dans les épaules et dit adieu à sa toile de tente ! Un beau jour, en se promenant sur la pointe Est de l’île, il découvrit les ruines d’un phare, en bois. De retour en France, quelques semaines plus tard, André commença à remuer ciel et terre : il voulait reconstruire ce phare, et se jura que d’ici l’an 2000, une lumière brillerait à nouveau dans ces ténèbres australes. Son idée amusa, puis retînt l’attention avant de s’accrocher au cœur de tous ceux qui y avaient prêté une oreille attentive.

Une copie conforme

Construit en 1884 par les Argentins, ce phare ne ressemblait en rien à ceux que l’on a coutume de voir. A 70 mètres d’altitude, s’érigeait un octogone, haut de 6,50 mètres et large de onze mètres, surmonté d’un joli toit pointu. Derrière ce que l’on pourrait appeler sa façade, tournée vers la mer, brillaient sept lampes dites « belges » qui fonctionnaient à l’huile de colza. Les éclats de leurs flammes étaient projetés sur un secteur de 93° et jusqu’à 15 milles nautiques, grâce à de gros cristaux.

C’était une jolie cabane, composée à l’intérieur de deux pièces : l’une servait de dortoir aux trois gardiens, l’autre était emplie de provisions et d’outils. Seuls dans la tourmente durant des semaines entières, ces hommes de l’ombre sans qui les ténèbres resteraient pour toujours obscures, se relayaient inlassablement pour alimenter ces sept flammes qui brûlaient chacune, un kilogramme d’huile par jour.

Un phare abandonné en 1902

Jules Verne, inspiré par l’atmosphère de cette île lointaine et surtout par la vie inhumaine menée par les gardiens, écrivit un roman intitulé « le Phare du Bout du Monde ». En 1905, lorsque ce livre fut publié, le phare et l’écrivain avaient tout deux fermés leurs yeux. 96 ans plus tard, charmé par ce livre, envoûté par l’île et son histoire, poussé par son énergie, soutenu par une bande de solides copains, par quelques sponsors et avec l’aval du gouvernement argentin, André réalisait son idée pas si folle que ça : reconstruire le Phare du Bout du Monde. Ainsi, depuis le 28 février 1998, l’île du bout du monde se plaît à nouveau à faire des clins d’œil aux marins qui passent à son horizon… Et à La Rochelle, à quelques encablures au large de la plage des Minimes, une réplique du Phare du Bout du Monde a été érigée, qui, à son tour depuis l’an 2000, illumine le chemin des marins égarés !

La rédaction du Vendée Globe / DBo.