New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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09 January 2021 - 12h16 • 18328 vues

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Après une nuit difficile à cause des conditions météo, Isabelle Joschke était à la vacation de 10h ce matin. Elle revient sur la violence de la navigation en IMOCA, mais aussi sur les difficultés persistantes du quotidien. 

" Je n’ai pas passé une très bonne nuit, j’ai dû dormir deux heures et, avec l’accumulation, ce n’est vraiment pas assez. Ça fait 24 heures que je naviguais au près dans une mer vraiment difficile avec le bateau qui tapait et une espèce de dépression qui nous dépassait. J’ai donc passé la nuit à réduire la voilure, faire en sorte que le bateau tape le moins possible, attendre la rotation du vent, remettre de la voilure, etc. Ce n’est pas très facile car avec la quille bloquée au milieu, j’ai besoin du foil pour stabiliser le bateau et le foil fait systématiquement taper le bateau. Il faut trouver le compromis qui va bien tout en sachant qu’avoir la quille au milieu est encore plus pénalisant dans une mer difficile. Et là, la mer est vraiment dingue.

Parfois, je me demande si je vais pouvoir ramener le bateau entier. Avec des mers comme cela, je ne sais pas comment on fait pour préserver les bateaux. Même en ralentissant, ça tape beaucoup. Je dois avoir 3 ou 4 mètres de creux, mais elle est toujours de face car je navigue au près et je suis la rotation du vent. Je suis au vent de travers et elle est encore de face, alors qu’à 100 degrés du vent, je devrais pouvoir glisser. Et, non, ça ne glisse pas. Je n’en reviens pas de la brutalité de nos bateaux. C’est très souvent comme ça, dès qu’il y a un peu de mer, le foiler devient un truc de maso. Il y a à la fois l’inconfort car c’est comme si on vous mettait des claques toute la nuit alors que vous voulez aller vous coucher, mais il y a en plus le stress de se demander ce que le bateau peut supporter. Ça tape sur les nerfs. Je ne sais pas toujours où doser.

Depuis le premier jour de course, j’ai au moins une avarie par jour. En général, quand les conditions sont dures, ça va au niveau des avaries, et dès que les conditions se calment, elles arrivent. Hier matin, dans des conditions plutôt agréables, j’ai touché un OFNI. Le choc a cassé un bout de mon foil, mais il n'y a rien de méchant a priori. Je dois avouer que je suis rassurée sur rien, je fais de mon mieux.

Le passage du cap Horn a été magique. Je suis passée de l’enfer au paradis en quelques heures. Les jours après le cap étaient une délivrance, les conditions étaient très belles et c’est vrai que j’ai de la chance car je suis encore assez au Sud, mais les températures sont remontées vite. C’est une délivrance aussi car je souffrais beaucoup du froid. Maintenant, ce n’est plus vraiment une question, je m’habille, mais je ne me stresse pas d’avoir froid la nuit ou le matin. Ça fait vraiment du bien.

Juste après le cap Horn, j’ai remarqué que j’ai eu un regain de force physique et ça m’a vraiment fait plaisir. Je me suis demandé s’il y avait un lien entre le froid et la perte de force et d’énergie, et c’est probablement le cas. Mais j’avoue qu’après la nuit que j’ai passée, je n’en ai plus beaucoup sous le coude.

Je sens qu’il y a vraiment des regains de motivation liés au fait d’entrer dans l’Atlantique et d’entamer une nouvelle phase. Je pense qu’il y a quelque chose de nouveau qui se met en place, ce qui est chouette, et en même temps, il y a encore cette constante de Vendée Globe dur avec nous en termes de conditions et de pépins.

La dépression qui nous passe dessus est un peu le dernier 'bye bye' des mers du Sud, typique des Cinquantièmes, avec des vents instables et des fichiers météo qui sont incapables de caler les choses de manière précise. Je vais encore passer 24-48 heures un petit peu compliquées et je croise les doigts pour entrer dans un nouveau système météo après. " 

Isabelle Joschke / MACSF