New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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10 January 2021 - 19h52 • 20158 vues

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Semaine9#. Depuis une semaine, les leaders remontent (lentement) vers le Brésil après un cap Horn parfois mouvementé. Mais le chemin est semé de bulles anticycloniques et de dépressions parfois violentes, à l’image de celle qui a entraîné l’abandon d’Isabelle Joschke. Pendant ce temps, le Pacifique s’est « réveillé » en proposant forte brise et mer chaotique à la deuxième moitié de la flotte…

Ils n’étaient que deux à être « sortis du tunnel » après huit semaines de course : Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) avec une centaine de milles de marge sur Charlie Dalin (Apivia) et plus loin avant le cap mythique, deux poursuivants à 450 milles environ du leader (Thomas Ruyant et Damien Seguin) tandis que les chasseurs étaient relégués à plus de 600 milles. L’affaire semblait donc « conclue », mais voilà : il restait tout de même près de 7 000 milles avant les Sables d’Olonne et l’Atlantique Sud n’est jamais à cette époque de l’année, un « long fleuve tranquille »…

Entre cellules anticycloniques et dépressions australes, la trajectoire vers le cap Frio (à l’Est de Rio de Janeiro) était loin d’être toute tracée, comme souvent sur un Vendée Globe d’ailleurs. Mais cette fois, ce sont les fichiers météo qui « paniquaient » en raison d’un brassage peu courant dans ces eaux : l’anticyclone de Sainte-Hélène n’arrivait pas à se caler et se scindait en mini-bulles et/ou envoyait des tentacules, qui à droite, qui à gauche, des Quarantièmes Rugissants jusqu’aux abords des côtes brésiliennes !

Les évadés de Sainte-Hélène

Si tous les chemins mènent au Horn, il n’en est pas de même pour Salvador de Bahia, à l’aller comme au retour ! Et de fait, la trajectoire des solitaires, du leader Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) au treizième Romain Attanasio (Pure-Best Western) traduit cette dispersion atlantique : le premier s’est écarté au maximum de l’Argentine et des Malouines en les laissant sur son bâbord, le ‘dauphin’ a d’abord embouqué le détroit de Le Maire avant de suivre la trace du leader, le troisième s’est engouffré entre la Patagonie et l’île des États avant de parer les Malouines par l’Ouest, les chasseurs ont choisi de longer la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA) jusqu’à la longitude de Rio de Janeiro (43° Ouest), et le trio suivant tire tout droit depuis les Falkland ! Difficile de faire plus varié…

Pour finalement un regroupement quasi général d’ici 24 heures ! Pourquoi ? Parce que les premiers « sautent » de cellules anticycloniques en bulles de hautes pressions par des zones de transition mal cernées tandis que les poursuivants glissent tranquillement en bordure orientale d’un anticyclone argentin. Bref, l’échappé doit avant tout s’évader… de ce magma inconstant et volage, ce qui ne semble pas se dessiner avant les archipels de Trindade et Martim Vaz (soit 20°30 Sud) où les alizés qui entourent l’anticyclone de Sainte-Hélène soufflent asthmatiquement. Or le premier qui touche ces vents (dits réguliers) de secteur Nord-Est au niveau de Rio de Janeiro, d’Est à la hauteur de Salvador de Bahia, de Sud-Est à la latitude de Recife, a de fortes chances d’atteindre l’équateur en leader…

Or le premier, Yannick Bestaven, tamponne sur une cellule de « haute sécurité » au bénéfice de Charlie Dalin et de Thomas Ruyant qui voient revenir par le large, Damien Seguin et Louis Burton, eux-mêmes en pointe vis-à-vis de Benjamin Dutreux, Jean Le Cam, Boris Herrmann et Giancarlo Pedote ! Il ne serait donc pas surprenant de voir tout ce petit monde naviguer de conserve dès mardi… dans un flux d’Est faiblard d’à peine dix nœuds. Les foils ne serviront donc à rien et il n’est pas évident que le leader du jour le reste toujours !

Emprisonnés dans ces zones de calmes prolongés, il ne va pas être simple de s’extirper en solo : ce sera plutôt « la grande évasion » ! Un scénario réjouissant pour les spectateurs, mais un synopsis particulièrement plombant pour les skippers… Car si le déroulé est favorable pour un départ de Trophée Jules Verne (pour Franck Cammas, Charles Caudrelier et leur équipage partis ce dimanche matin), il n’est en rien propulsif pour un final devant Les Sables d’Olonne. Au contraire : même Armel Tripon (L’Occitane en Provence) pourrait se mêler au jeu d’ici les Açores…

Isabelle Joschke jette l’éponge

Ils étaient six, ils sont désormais sept ! Après Nicolas Troussel (CORUM l’épargne) sur démâtage au large du Cap-Vert, après Kevin Escoffier (PRB) suite au bris de son bateau en deux à la longitude du cap de Bonne-Espérance, après Alex Thomson (HUGO BOSS) safran rompu dans l’Atlantique Sud, après Samantha Davies (Initiatives Cœur) quille en vrac après un violent contact avec un OFNI au large de Cape Town (repartie depuis hors course et actuellement en compagnie d’Alexia Barrier), après Sébastien Simon (ARKEA PAPREC) lui aussi victime d’une percussion brutale au large de l’Afrique du Sud, après Fabrice Amedeo (Newrest-Art & Fenêtres) en panne d’électronique aux abords de l’océan Indien, voilà qu’Isabelle Joschke (MACSF) a elle-aussi jeté l’éponge dans l’Est des Malouines…

Déjà l’hydraulique de sa quille était HS et elle naviguait appendice dans l’axe tenu par un vérin de secours… Dans un mauvais coup de vent austral, dans l’Atlantique Sud, la solution provisoire n’a pas tenu et la quille se baladant sans contrôle, la Franco-Allemande a préféré abandonner. Une décision qui l’oblige tout de même à continuer sa route dans la baston, le temps de trouver une autre solution et un port d’accueil, ce qui n’est pas évident par 43° Sud et à plus de 1 000 milles des côtes argentines ! La solitaire qui avait réussi un superbe parcours jusqu’alors, doit donc maintenant prendre du Nord au plus vite car une nouvelle dépression australe est prévue sur sa zone d’ici quatre jours…

Le taux d’abandons n’est depuis « que » de 21%, mais au vu de l’état de certains bateaux plus au moins handicapés par des voiles déchirées, des rails de grand-voile arrachés, des girouettes abimées, des safrans fissurés… il ne faudrait pas s’étonner que d’autres solitaires soient aussi contraints de rallier un port avant Les Sables d’Olonne ! Surtout que la moitié de la flotte est encore dans le Pacifique, que l’Atlantique Sud ne devient réellement maniable qu’au-delà du 30° Sud et que l’Atlantique Nord peut encore réserver des surprises si on se souvient de Catherine Chabaud démâtant au large de l’Espagne, de Roland Jourdain sans quille aux Açores ou Javier Sansó chaviré au large de São Miguel… Le Vendée Globe ne s’achève qu’à la bouée Nouch !

Coups de chien sur bastons

Et bien plus au Sud, dans les vents glacés venus de l’Antarctique, un quatuor collé-serré va enfin en finir avec les mers du Sud : Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle), Alan Roura (La Fabrique), Jérémie Beyou (Charal) et Pip Hare (Medallia) devraient raser le cap Horn dès demain lundi ! Pour autant, les mers en furie n’en ont pas terminé avec eux puisque dès mardi, une dépression australe va les balayer au large des Malouines…

Quant au trio suivant (Le Diraison, Costa, Shiraishi), il lui faudra attendre au moins une journée de plus pour passer le Horn, juste en avant d’un méchant coup de vent de Nord-Ouest… Bien esseulé, Manuel Cousin (Groupe Sétin) devra patienter une journée et demi de plus pour un passage dans des conditions maniables, voire même mollassones. Mais plus loin, c’est une succession de perturbations parfois violentes qui pointe ses brises musclées presque toute la semaine prochaine ! Le Finlandais Ari Huusela (STARK) s’est d’ailleurs préparé à ces souffles méphitiques en prenant une trajectoire très septentrionale… Et pour l’instant, seul Sébastien Destremau (merci) semble échapper à ces coups de massue, de calmes à l’avant de la flotte, de vents puissants au milieu et à l’arrière…


La rédaction du Vendée Globe / DBo.