New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne

12 January 2021 - 07h06 • 34953 vues

Partager

Article

Porté depuis quatre jours par des humeurs favorables, Charlie Dalin (Apivia) a repris la tête du 9e Vendée Globe. Encalminé dans l’Ouest du « pot au noir du Sud », Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) n’a pu que subir. Ce Vendée Globe monté sur ressorts est décidément très étonnant.

Ils la voyaient bien depuis plusieurs jours, cette grande zone de calmes, ce front froid quasi permanent tout à fait identifié qui s’étire d’Ouest en Est entre Cabo Frio, en haut, et l’état de Sao Paulo, en bas. Tous savaient que cette zone régie par de hautes pressions portait en elle les atours de la rédemption pour les uns, et les affres de la punition pour les autres. Mais de là à imaginer qu’elle bousculerait le classement alors que, quatre jours plus tôt, Charlie Dalin concédait 450 milles à Yannick Bestaven…

Depuis quatre jours environ, tandis que le leader butait encore et encore dans une zone de vents faibles et contraires, louvoyant pour progresser dans ce couloir entre la côte brésilienne et le front froid où les fichiers promettaient un peu plus d’air qu’à l’Est, Charlie Dalin et cinq bateaux suiveurs progressaient rapidement sur des allures portantes. Classement après classement, le leader a vu son avance s’étioler et se réduire jusqu’à peau de chagrin, pour finalement disparaître au classement de 21 heures de lundi soir.


« Le garde-barrière ? C’est un pote, se marrait Charlie Dalin joint ce matin. Cette zone de transition a joué un rôle majeur pour Yannick, qui a été le premier à buter dedans. À la tombée de la nuit, j’avançais dans un passage où le vent commençait tout juste à souffler tandis que, quelques milles devant, le vent restait faible. De temps en temps, je sortais de ce vent frais, puis j’y retournais. C’est un moment magique de ce Vendée Globe. Je ne l’aurais pas cru, si on m’avait dit il y a quatre jours que j’allais reprendre la tête, alors que j’avais 450 milles de retard. Il y a eu une opportunité, je suis content de revenir aux affaires, mais les conditions restent instables, avec des vents variables en force et en direction ».

Ce qui a joué, c’est aussi le décalage Ouest-Est entre les deux skippers. Contraint par les deux cellules anticycloniques qui se dressaient alors sur sa route, l’une le long des côtes, l’autre plus à l’Est, Yannick Bestaven n’a pas vraiment eu d’autre choix que de tenter de se faufiler au près dans un couloir de vents de Nord d’une douzaine de nœuds. Et les treize virements de bord effectués en un peu plus de 36 heures ne lui ont pas permis d’échapper à la sanction. Il lui reste un petit décalage Nord-Sud d'une quinzaine de milles pour garder un avantage tactique.

130 milles plus à l’Est, Charlie Dalin et Thomas Ruyant (LinkedOut), mais aussi le groupe oriental emmené par Damien Seguin (Groupe APICIL) et Louis Burton (Bureau Vallée 2), a gommé tout ou grande partie du retard sur le bateau rouge, bénéficiant de l’extinction de la cellule anticyclonique qui a bloqué le leader, et de la naissance d’une dépression dans le Sud. Tractés ou poussés, les chasseurs ont fondu sur leur proie.

Au classement de 5 heures, ce mardi matin, à la latitude de Caraguatatuba, cité balnéaire de l’état de Sao Paulo, Charlie Dalin menait la danse devant Thomas Ruyant (+18,3 milles), Yannick Bestaven (+25,8 nm), Damien Seguin (+40,9 nm), et Louis Burton (+56,7 nm), revenu de nulle part et désormais résolu à jouer les tout premiers rôles ! 50 milles encore derrière, Boris Herrmann (SeaExplorer – Yacht Club de Monaco) revient également fort : il est le plus rapide de ces 24 dernières heures, à 18 nœuds de moyenne.

Du mouvement, il pourrait y en avoir encore, à l’avant de la flotte. « Rien n’est joué, confirme le nouveau leader. Le vent n’est pas établi dans la zone où je navigue, et il se passera encore des choses tant que les vents ne seront pas établis. Ce soir, vers minuit, les choses seront plus claires, et on saura, au classement de 5 heures demain, qui a le mieux travaillé ».

Le 2e wagon dans le dur

Le moins bien servi du moment, c’est sans doute Maxime Sorel. Le skipper de V and B – Mayenne, qui revenait fort depuis le passage du cap Horn, n’a pas pu échapper à une bulle anticyclonique, et il n’est pas parvenu à se rapprocher du tableau arrière de Jean le Cam, 9e. L’écart entre les deux est de 180 milles environ, le 'roi Jean' comptant « seulement » 200 milles de retard sur la tête de la course.

Secoué, balloté, catapulté. Progressant au près, dans l’arrière d’une dépression venue du Nord et face à un courant qui casse la vague, Armel Tripon (L’Occitane en Provence) et Clarisse Crémer (Banque Populaire X) plantent des choux depuis des heures, et pour quelques heures encore. À moins de 11 nœuds de moyenne, le Nantais dit vivre « Le plus mauvais moment de mon Vendée Globe. C’est l’enfer sur mer ! ça tape fort, ça m’arrache les tripes et ce n’est vraiment pas drôle. Il y a 28-29 nœuds, avec des claques à 35 – 37, même –, et le bateau monte, et tape, et tout tremble ». Les conditions vont évoluer dans une douzaine d’heures, quand la dépression aura glissé dans leur Sud. Ce sera alors l’heure de la transition qui mène… au front froid semi-permanent qui a redistribué les cartes, en tête de course. Il faudra aux deux skippers choisir avec justesse le point de virement pour négocier au mieux la jonction du flux de Sud-Est et le vent de Nord-Ouest qui vient en prélude de la zone de calmes.

Plus bas, en 13e position, Romain Attanasio  commence déjà à vivre un moment pas très marrant : pris dans la dépression dont sort tout juste le tandem Tripon-Crémer, le skipper de Pure – Best Western va se faire secouer toute la journée par des vents à plus de 30 nœuds, de Nord d’abord dans la dépression principale, de Sud-Ouest ensuite dans la dépression secondaire. Le compagnon de Sam Davies va devoir serrer les dents jusqu’à demain matin.

Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle), Alan Roura (La Fabrique) et Jérémie Beyou (Charal) naviguent toujours de conserve dans le Sud de l’île des États. Les trois ont trouvé le temps long, coincé par une molle après le cap Horn, franchi hier. « On s’est appelé, avec Jérémie, raconte le jeune Suisse, double cap-hornier à seulement 27 ans. On s’est rendu compte qu’on n’a vécu que sur deux modes : soit le mode 5 nœuds de vent, soit le mode 30 nœuds. A la sortie du Horn, tu es content d’avoir un temps pour respirer mais, finalement, c’est bon, on préfère avoir trente nœuds ! »

Pip Hare, 18e au cap Horn

Le « caillou », Pip Hare (Medallia) l’a passé cette nuit, aux alentours de 3 heures du matin, et elle l’a vu de près ! Aussitôt, la prodigieuse Britannique a mis un coup de Sud puis un coup de Nord dans sa route. A 2,5 milles des côtes encore ce matin, Pip ne devait pas voir grand-chose. Outre le fait qu’il y fait nuit, la visibilité est d’à peine plus d’un demi-mille. Lugubre et puissant à la fois. Le prochain à passer le troisième cap sera Stéphane le Diraison (Time for Oceans), en 18e position ou Didac Costa (One Planet One Ocean), 19e. Les deux sont à environ 300 milles, ce pourrait être pour demain : une bulle anticyclonique vient contrarier leur progression dans l’après-midi avant de laisser place à du vent arrière d’une quinzaine de nœuds. Décidément, rien n’est vraiment gratuit, dans cette 9e édition.