New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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20 January 2021 - 06h33 • 17579 vues

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La tête de flotte navigue dans des alizés de Nord-Est à Est d’une vingtaine de nœuds en suivant une grande courbe depuis l’équateur pour contourner les hautes pressions centrées ce week-end sur Madère. La fin de course est ainsi extrêmement ouverte car c’est dans un flux de Sud-Ouest que les premiers solitaires vont devoir rallier le cap Finisterre, puis la Vendée. Il y aura donc des empannages à enchaîner et des effets de côte à négocier…

On a beau faire, la voile est une discipline sportive à part et quand elle devient océanique, cela complexifie encore plus les choses. Alors un tour du monde ! Bref alors que l’excitation des arrivées monte progressivement aux Sables d’Olonne, alors que le final est loin d’être clair et que les bonifications peuvent chambouler tous les pronostics, il faut bien décrire la situation à l’aune de paramètres incontournables.

Ainsi en est-il du classement qui prend en compte un parcours optimal intégrant les grands phénomènes météo (anticyclone de Sainte-Hélène par exemple) et les contraintes sécuritaires (Zone d’Exclusion Antarctique). Il y a donc trois (au moins !) parcours possibles : l’orthodromique (le plus court), l’optimal (le plus réaliste) et le réel (le plus juste). Malheureusement à ce jour, il faut concilier virtualité et réalité ce qui devient particulièrement scabreux…

Qui est devant qui ?

La question est donc de savoir qui est devant qui… Or Monsieur de La Fontaine interpelle avec sa fable quand il faut se hâter avec lenteur ! Bref, il y a le choix de serrer le vent à une vitesse « raisonnable » (environ 12-15 nœuds) pour viser le milieu de l’Atlantique (ce que font Charlie Dalin, Thomas Ruyant, Boris Herrmann, Damien Seguin, Giancarlo Pedote…), et il y a l’option de tirer un peu la barre pour laisser courir à plus grande vitesse (environ 18-21 nœuds) en ciblant le fleuve Saint-Laurent (le choix de Louis Burton et de Yannick Bestaven)… La différence ne joue que sur une dizaine de degrés de cap, mais se concrétise aussi par un décalage Est-Ouest de près de 200 milles après 24 heures d’alizés, entre le leader et son ‘dauphin’.

Mais en fait, la courbe a déjà débuté car si la composante des alizés est plutôt Nord-Est sous l’archipel du Cap-Vert, elle prend une orientation plus Est au fur et à mesure que les solitaires gagnent dans le Nord. Comme l’angle optimal pour celui qui serre le vent est d’environ 80° alors qu’il est de 90° pour celui qui laisse courir, la courbure n’est pas tout à fait la même : plus le bateau est à l’extérieur, plus il fait de route et plus le rayon de courbure est grand… Au final, les deux voiliers peuvent se retrouver au même point, c’est-à-dire au Sud des Açores ! Il y aurait donc quasiment congruence puisque même Charlie Dalin y pense…

« D’ici 48 heures, on devrait être au-dessus de la dorsale que nous sommes en train de contourner et ensuite, nous récupérerons le train des dépressions atlantiques. Mais il est probable que ça ralentisse dès la fin de l’après-midi aujourd’hui, et la nuit prochaine, nous serons vraiment sous l’influence de l’anticyclone ! J’ai choisi l’intérieur du virage mais à la sortie, il est fort possible qu’on se retrouve approximativement au même endroit avec Louis (Burton)… »

Rencontre en mer connue !

Il va donc falloir attendre encore la fin de la semaine pour avoir une (petite) idée de ce bilan alizéen : entre Charlie Dalin (Apivia) qui grappille les degrés pour rester à l’intérieur de la courbe et Louis Burton (Bureau Vallée 2) qui déboule par le large, il est à ce stade, impossible de définir qui a pris le meilleur chemin ! En sus, les alizés ne sont pas une brise aussi régulière qu’on l’imagine et il peut très bien y avoir des molles (quelques nœuds suffisent), particulièrement en s’approchant des hautes pressions qui font aujourd’hui barrière à la latitude des Canaries (25° Nord) mais qui vont se rétracter dès demain pour ne former qu’une seule cellule sur Madère ce week-end.

Sachant que le point de référence est désormais par 37°N et 25°W (approximativement l’île de Santa Maria aux Açores), le classement a finalement peu évolué par rapport au point de référence initial déterminé aux Sables d’Olonne… Ensuite certains pourront intégrer les temps de bonifications de Jean Le Cam (Yes We Cam!), de Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) et de Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Club de Monaco), ce qui devient extrêmement complexe puisqu’en une heure, un monocoque IMOCA peut parcourir entre 2 et 20 milles ! Selon les conditions météo…  

Une suite bien plus lointaine…

Quant à Armel Tripon (L’Occitane en Provence), il a franchi l’équateur la nuit dernière à 21h32’, soit après 72j 07h 12’ depuis le départ du 8 novembre, mais surtout 22h 34’ après Maxime Sorel (V and B-Mayenne). L’objectif affiché du Nantais est de déborder son prédécesseur avant l’arrivée aux Sables d’Olonne, ce qui est dans le domaine du possible, même avec un jeu de voile incomplet ! Mais tout va dépendre de sa traversée du pot au noir : s’il file grand vent dans l’hémisphère Nord, le retard accumulé devrait être comblé sur les 3 000 milles orthodromiques restants ; mais si la ZCIT est aussi collante qu’elle le fut pour certains leaders, le challenge sera nettement plus difficile…

Derrière, Clarisse Crémer (Banque Populaire X) devrait aussi passer dans l’hémisphère Nord la nuit prochaine tandis que Romain Attanasio (Pure-Best Western) devra probablement attendre le week-end prochain pour franchir la ligne de démarcation. Quant à Isabelle Joschke (MACSF) hors course depuis que sa quille ballotte, elle devrait croiser Jérémie Beyou (Charal) qui est enfin sorti d’une bulle anticyclonique et qui peut faire route plein Nord dans les alizés. La solitaire franco-allemande vise toujours Salvador de Bahia qu’elle devrait rallier aussi ce week-end.

Et plus au Sud, la situation est bien différente entre le duo Boissières-Roura qui se démène dans de petits airs et Pip Hare (Medallia) qui va devoir louvoyer pour s’écarter du Cabo Frio… Enfin dans le Pacifique, le Finlandais Ari Huusela (STARK) n’a plus que 1 200 milles avant d’atteindre le cap Horn dans un flux d’Ouest puissant qui devrait s’étioler aux abords de la Patagonie. Pour la première fois depuis le premier Vendée Globe en 1989-1990, le dernier aura débordé la Terre de Feu alors que le premier ne sera pas encore arrivé aux Sables d’Olonne, voire même dans le golfe de Gascogne ! Comme quoi, cette neuvième édition fut certes plus lente pour les leaders, mais finalement plus véloce pour leurs poursuivants…

La rédaction du Vendée Globe / DBo.