New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne

23 January 2021 - 16h00 • 15950 vues

Partager

Article

Les leaders du Vendée Globe risquent fort de traverser l’archipel en raison du déplacement de l’anticyclone sur Madère et de l’arrivée d’une grosse dépression par l’Ouest en tout début de semaine. Mais quelle sera exactement leur trajectoire au cœur des Açores ? Par le Sud, au milieu des îles du centre ou au large de Corvo et Florès ?

Visiter cet étrange amalgame d’îles déchiquetées, verdoyantes, dispersées en trois agglomérats aussi éloignés les uns des autres que Brest-Le Havre, est un enchantement : orienté Nord-Ouest à Sud-Est, l’archipel est formé de pics volcaniques récents (4 millions d’années) et encore en activité, la péninsule de Capelinhos à l’Ouest de Faial ayant émergé de l’océan il y a un peu plus de soixante ans !

Situé au milieu de l’Atlantique, par des fonds de plus de 3 000 mètres, l’archipel des Açores “champignonne” littéralement hors de la mer en culminant à 2 351 mètres à Pico. Situé entre le 37° et le 40° Nord et le 25° et le 31° Ouest, il est positionné sur la dorsale médio-atlantique marquant la séparation du continent européen du continent américain (tectonique des plaques). Son climat est doux et humide, ce qui n’est pas sans rappeler la Bretagne avec des températures moyennes minimales de 8° et maximales de 25°. La meilleure saison est donc l’été, où l’anticyclone des Açores est relativement bien installé sur les îles.

La pêche aux cachalots et le câble téléphonique

Découvert par un Arabe au service du roi Roger II de Sicile en 1154, l’archipel des Açores a été colonisé par les Portugais au 15ème siècle, après moult passages de tous les marins-explorateurs anglais, hollandais, espagnols, belges, français... essentiellement pour en faire une escale entre l’Amérique et l’Europe. La chasse à la baleine devint rapidement la ressource essentielle des Açoriens qui se firent une réputation dans le monde entier en émigrant ensuite en Californie, au Brésil, aux Bermudes ou à Nantucket, comme le raconte superbement Herman Melville dans Moby Dick.
    
Les plus grands navigateurs ont laissé la signature de leur passage sur les digues du port de Horta (île de Faial), et il est devenu une tradition que chaque bateau marque son empreinte d’une peinture sur les quais de la marina. Et tout navigateur se doit de boire un verre chez ‘Peter’, dans le célèbre ‘Café Sport’ ouvert depuis 1918, qui mélange boîtes aux lettres pour marins, et souvenirs gravés sur des dents de cachalot (scrimshaw).

Mais hors de cet accueil chaleureux et de la gentillesse des Açoriens, l’archipel mérite le détour pour ses paysages étonnants, festival floral dû au climat, mais aussi aux voyageurs qui ramenèrent l’araucaria chinois, le tulipier de Virginie, le jacaranda du Brésil, le camphrier japonais, le kapokier... C’est un véritable jardin qui sort de l’océan où l’ananas, le tabac, la vigne, la grenade, la banane poussent au milieu des haies d’hortensias et des forêts d’azalées. Plages de sable noir, fumeroles de sources thermales, jaillissements de boue brûlante côtoient les maisons de basalte noir chaulé de blanc, les églises aux frontons de pierres sculptées, les criques bordées de falaises où se nichent de minuscules ports de pêche.

Neuf îles aux paysages étonnants

L’île la plus au Sud-Est, Santa Maria, fut la première colonisée et servit de plate-forme atlantique pour l’aviation lors de la dernière guerre. Elle se caractérise par ses longues plages de sable fin et ses nombreux fossiles marins enfouis dans les sédiments. La plus grande et la plus peuplée, São Miguel est constituée de falaises abruptes, entièrement volcaniques. Ses nombreuses églises décorées de magnifiques « azulejos », se cachent derrière les jardins exotiques où les eaux des Sept Cités entretiennent la légende de l’Atlantide avec ses deux lacs jumeaux, l’un vert, l’autre bleu, blottis au fond d’un cratère immense. L’île lilas, Terceira, raconte l’histoire de l’archipel, ses luttes pour l’indépendance et ses abordages de conquérants. Elle est parsemée de « imperios », ces minuscules chapelles aux couleurs vives qui abritent la nourriture offerte au Saint Esprit…

Pico, c’est le grandiose volcan encore en activité qui culmine à 2 351 mètres, mais aussi les anciens ports baleiniers de Lajes do Pico ou de São Roque, île colonisée par le célèbre vignoble Biscoitos où chaque cep est entouré d’un muret de lave violette. São Jorge est quant à elle un véritable mur sorti de l’eau, long de 25 milles pour seulement 4 milles de large. Graciosa la gracieuse, égaie ses floraisons aux couleurs vives, ses moulins à vent peints de blanc aux coupoles rouges. Horta, l’île bleue couverte d’hortensias, fut depuis toujours un lieu d’escale et de relais : Lindbergh, Slocum, les baleiniers, l’observatoire météorologique, le relais télégraphique entre l’Europe et l’Amérique…

Florès est l’un des plus beaux jardins botaniques avec ses 850 plantes vasculaires dont la cubre jaune qui parsème les chemins. Enfin, Corvo est l’île la plus isolée où seules 500 personnes vivent en totale autarcie. Ces neuf îles préservées des bousculades et des tremblements du monde (si ce n’est de terre !), conservent leurs traditions et leurs fêtes religieuses, sans manquer de l’esprit d’ouverture qui sied à tout gent de mer.

Des hautes pressions qui gèrent le temps…

L’anticyclone des Açores mérite bien son nom puisqu’il est quasiment installé toute l’année sur l’archipel, remontant vers le Nord-Est l’été, descendant vers le Sud-Ouest l’hiver, et régulant la climatologie générale de l’Atlantique Nord. La pression atmosphérique moyenne est ainsi relativement élevée, variant de 1 017 hPa en mars à 1 025 hPa en juillet. Toutefois, les dépressions de l’Atlantique Nord ne manquent pas de perturber le climat, principalement en hiver où elles passent le plus souvent au Nord de l’archipel. Des dépressions secondaires se forment parfois sur les Açores, provoquant de longues périodes de mauvais temps avec des vents forts de secteur Nord-Ouest.

Mais en moyenne les brises restent plutôt modérées toute l’année, les îles de l’Ouest (Corvo, Florès) étant toutefois toujours plus ventées que les îles de l’Est (São Miguel, Santa Maria). Les coups de vent sont rares même en hiver et les calmes fréquents en été, particulièrement la nuit. Un régime de brise thermique se forme souvent en période estivale, provoquant des zones de vent en conflit entre les îles. Dans le groupe des îles centrales de l’archipel, les vents de Sud-Ouest prédominent en hiver et les brises de Nord-Est sont majoritaires en été.

…Car l’anticyclone bouge très lentement

L’anticyclone des Açores est en fait un gigantesque régulateur de la climatologie de l’Atlantique Nord puisque, de son étendue, de sa puissance, de sa stabilité et de son déplacement, dépend la circulation des dépressions venues de Terre-Neuve en se décalant plus ou moins vite (entre 5 et 35 nœuds) vers l’Europe. En période hivernale, ces hautes pressions se positionnent en général à 500 milles dans le Sud de l’archipel : les perturbations touchent l’Angleterre et la France, alors que les alizés (vents réguliers de secteur Nord-Est) s’installent le long des côtes du Portugal jusqu’à l’archipel du Cap-Vert, puis s’orientent à l’Est jusqu’aux Antilles.

En été, l’anticyclone des Açores remonte vers l’Irlande, générant le beau temps sur l’Europe de l’Ouest avec un régime de vent de Nord-Est faible à modéré. Ces hautes pressions sont plus volatiles au printemps et en automne, l’anticyclone des Açores pouvant s’écrouler sur lui-même ou se combiner avec celui des Bermudes en un immense haricot. La trajectoire des solitaires du Vendée Globe dépend ainsi de la position des hautes pressions açoriennes, pour le sprint final après le passage de l’équateur…

Il y a du courant de marée entre les îles !
    
La visibilité est souvent bonne voire excellente en été, et comme les côtes sont hautes et très franches, il est très facile de se repérer. Le volcan de Pico, culminant à plus de 2 300 mètres est parfois visible à plus de 50 milles surtout au petit matin, tandis que dans l’après-midi, la nébulosité sur les hauteurs permet d’apprécier l’approche de la côte. Les îles sont soumises à un courant marin dû aux ramifications du Gulf Stream qui touche les Açores pour rejoindre le courant des Canaries, et bien qu’il soit profondément affecté par sa traversée de l’Atlantique, il atteint parfois près d’un noeud au large de l’archipel.

Mais le régime des vents influe conséquemment sur son orientation et sa force, les dépressions tendant à le diminuer en hiver, tandis que l’anticyclone le dévie en été. La marée est quant à elle de type semi diurne (deux pleines mers par jour), l’onde marée venant du golfe de Guinée et se propageant vers le Nord pour atteindre les Açores. L’amplitude reste faible, autour d’un mètre à Flores, 1,20 m à Horta et 1,40 m à Punta Delgada. Les heures de pleines et basses mers sont quasiment identiques pour toutes les îles açoriennes malgré leur éloignement, avec au maximum dix minutes de retard entre les îles de l’Est et Florès.    

Habituellement, les voiliers qui reviennent d’un tour du monde laissent l’archipel dans leur Sud-Est ou parfois passent à raser Flores et Corvo, mais pour ce neuvième Vendée Globe, la configuration météorologique sur l’Atlantique devrait faire passer les leaders au cœur des îles, à flirter avec Santa Maria ou à laisser São Miguel à tribord, voire même à passer dans l’Ouest de l’archipel, puisque l’anticyclone des Açores s’est décalé vers Madère. Mais cette configuration pourrait changer pour les poursuivants si un train de dépressions venues de Terre-neuve déboule sur les Açores…

La rédaction du Vendée Globe / DBo.