New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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23 January 2021 - 17h10 • 26180 vues

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"Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien". Citer Socrate est une habitude sur la route du Vendée Globe ces derniers jours. La course à la victoire est plus ouverte que jamais : ils sont au moins sept à pouvoir encore y prétendre alors qu’ils devraient atteindre les Açores dans la nuit. Derrière, Armel Tripon confie ses états d’âme, Maxime Sorel a enfilé son costume de pêcheur et Alexia Barrier continue de faire preuve d’une sacrée combativité.

Suspense total, nouvel épisode

Il y a d’abord un constat qui ne change pas depuis le début de la semaine. Ce matin, c’était Louis Burton qui s’y collait pour l’expliquer : « C’est rare d’avoir autant de bateaux aussi serrés à quatre jours de l’arrivée. C’est assez dingue et c’est très difficile de faire des pronostics ». Le skipper de Bureau Vallée 2 annonce la suite : « Dans 24 heures, on passe un front et 20 heures plus tard, on empanne vers les Sables d’Olonne ». « Une dépression secondaire les attend vers l’Ouest et devrait les emmener jusqu’à l’arrivée », décrypte Sébastien Josse, consultant météo du Vendée Globe.

Dans ce rush final, Louis Burton, Charlie Dalin et Boris Hermann avaient pris un « léger avantage » hier. Aujourd’hui, ils sont sept – avec Thomas Ruyant, Yannick Bestaven, Damien Seguin et Giancarlo Pedote – à pouvoir encore viser le podium… À ne plus rien y comprendre ! La certitude, c’est qu’ils contournent l’anticyclone des Açores et qu’ils devraient atteindre l’archipel portugais dans la nuit. Ensuite, rien ne sera facile :  il faudra probablement zigzaguer jusqu’aux Sables-d’Olonne. « C’est clair qu’on va tournicoter », confirme Thomas Ruyant (LinkedOut). Yannick Bestaven, qui estime « être encore en lice pour le podium », confiait ce matin : « Il y aura pas mal de variations de vent, pas mal d’empannages… Il va y avoir du sport ! » Le skipper de Maître CoQ IV, qui a des difficultés à manœuvrer sans balcon, assure qu’il a retrouvé un moral d’acier, comme ses rivaux du moment.

Louis Burton, début de matinée compliquée

© Stéphane Maillard / Bureau ValléeDans le ‘match dans le match’ entre Apivia et Bureau Vallée 2, l’ascendant a peut-être changé de camp. « Ce samedi matin, entre 5h30 et 8h30, on a constaté que la route de Louis Burton n’était pas aussi rectiligne que celle de Charlie Dalin, explique Jacques Caraës, le Directeur de Course. Est-ce qu’il s’agit d’un changement de voile, est-ce qu’il évolue sous spi, est-ce que son arien (qui agit sur la performance du pilote automatique) est toujours aussi efficient ? » Depuis, Louis Burton a repris de la vitesse (plus de 15 nœuds) et il reste au coude-à-coude avec Apivia. Mais dans ces instants où chaque détail compte, ce fait de course n’a échappé à personne… Et encore moins aux rivaux du Malouin.     

Maxime Sorel, le roi de la pêche

« J’ai remonté les filets et je ne savais pas mais la pêche a été plutôt bonne ». Petite surprise à bord de V and B – Mayenne, 10e de la flotte : des sargasses se sont accrochées et des poissons-volants se sont invités sur le pont. « Je ne comprends pas pourquoi ils sont tous attirés par mon bateau ! » Et Maxime Sorel, après avoir dénombré chaque poisson présent sur le bateau, d’annoncer « avoir besoin de faire le ménage ». « Ça sent le bateau de pêche », s’amuse-t-il.

Armel Tripon : « Je ne prends aucun plaisir »

Les conditions ont un impact impressionnant sur le moral. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Armel Tripon. Depuis plusieurs jours, L’Occitane en Provence poursuit sa progression au large de la Mauritanie. Mais au près, rien n’est facile, son foiler se fracasse contre les vagues et le garder en bon état est un combat permanent. « Ces conditions, c’est tout ce que je déteste. Je ne prends aucun plaisir ». Cette phase désagréable devrait s’achever en fin de journée. Pour passer le temps, l’évasion passe par l’écoute et le spectre est large : « du classique, du reggae, du rock et je viens de finir le livre audio des Misérables de Victor Hugo ». Difficile de dresser un parallèle avec sa situation actuelle, « le Paris du XIXe siècle n’a pas grand-chose à voir avec les conditions du moment », s’amuse-t-il. De quoi conserver au moins le sourire et continuer d’avancer malgré tout. 

Dans l’Atlantique Sud, tous dans les alizés

Le contingent de skippers qui progresse dans l’Atlantique sud peut aussi avoir le sourire. De Jérémie Beyou (Charal, 14e) à Didac Costa (One Planet One Ocean, 20e), tous bénéficient de l’alizé et des conditions à plus de 10 nœuds. Arnaud Boissières (La Mie Câline - Artisans Artipôle) et Alain Roura (La Fabrique), un temps englués dans des zones sans vent cette semaine, ont donc eux aussi repris de la vitesse. Dans ce groupe étalé sur près de 900 milles au large du Brésil, Jérémie Beyou détenait la palme de la plus longue distance parcouru (403 milles, 648 km) dans les dernières 24 heures. « Il a bien négocié la dorsale de l’anticyclone de Sainte-Hélène », analyse Christian Dumard, le météorologue du Vendée Globe.

Alexia Barrier, une leçon de courage

Les conditions ne sont pas aisées pour les trois skippers qui s’approchent du cap Horn. Hors course, Sam Davies devrait le passer en fin de journée. Initiatives-Cœur a dû affronter des conditions particulièrement musclées dans la nuit de vendredi à samedi avec des rafales à 50 nœuds. En revanche, pour Alexia Barrier (TSE – 4myplanet), qui devrait franchir le cap mythique demain soir, les conditions sont légèrement plus clémentes.

Mais elle n’a pas été épargnée non plus : « J’ai eu ma dose ses deux dernières semaines avec des fronts jusqu’à 50 nœuds, de la houle… Pendant des heures, on garde la boule au ventre. Je sais que le meilleur moyen de s’en sortir au plus vite, c’est d’avancer. J’ai hâte d’en sortir ! » D’autant qu’à bord, les petits pépins s’accumulent : hydrogénérateur bâbord arraché, problème d’antenne satellite, fuite du dessalinisateur... « Je ne serais pas contre m’arrêter une semaine en Patagonie pour tout réparer ! » Alexia dit tout ça avec le sourire, parce qu’elle est préparée, parce qu’elle sait « faire partie d’une course extrême » et qu’elle donne le meilleur. Une belle leçon de résistance.

Par la rédac du Vendée Globe / Antoine Grenapin