New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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29 Janvier 2021 - 05h01 • 44660 vues

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Après quatre heures passées en mer après le franchissement de ligne d'arrivée, Jean Le Cam (Yes We Cam!) fut accueilli grandiosement dans le chenal de Port Olona. Le Roi Jean revient sur sa course et sa royale arrivée.

Jean, c'était la quatrième fois que tu remontais le chenal des Sables, en cinq Vendée Globe, et cette remontée a une signification particulière, pour toi...
" J’ai connu pas mal de choses difficiles dans ma vie, mais là, j’ai connu l’insoutenable. On y arrive. C’est toujours incroyable. C’est un miracle que je sois là aujourd'hui. C’est tout simplement incroyable.

Ce que tu as vécu cette année a été plus dur que ton chavirage en 2008 ? 
19 heures après mon chavirage, Vincent venait me chercher. Ce ne sont que 19 heures. Quand j’ai débarqué Kevin, j’étais dans le front chaud et puis, le lendemain, le bateau était délaminé, la coque bougeait de 5 centimètres, ça craquait. Et dans cette situation, si ça casse, tu coules. J’ai réparé une première fois, j'ai découpé les ballasts. J’avais du carbone jusqu'au cou, je n’avais pas assez de résine... Après, ça a à nouveau cassé. On est monté plus Nord dans beaucoup de mer, donc je me suis arrêté une deuxième fois pour faire des réparations. Et depuis, chaque jour, je croisais les doigts pour que ça ne tape pas. Je n’osais même plus aller à l’avant. Je n’utilisais plus les ballasts car j’avais découpé celui du milieu, donc je ne pouvais plus ouvrir la vanne, sinon je coulais. Hubert m’a ramené et je l’ai aidé.  

Qu’est-ce qui t’a poussé à continuer ? 
J’ai vu que ma première réparation marchait, alors je me suis dit que je pouvais aller plus loin. Après, ça a cassé à nouveau au milieu du Pacifique et je n’avais pas d'autre choix que d'aller jusqu’au cap Horn. Et au cap Horn, il y avait 50 nœuds, je ne pouvais pas m’approcher du plateau continental, je suis passé à 100 milles des côtes. Ensuite, il y a eu des conditions de rêve, il y a eu du plaisir, enfin, après trois semaines de galère. J'ai continué à remonter Nord et en me disant ‘Quitte à être dans un radeau de survie, autant que l’eau soit chaude’, puis ensuite, ‘Ne vaut-il pas mieux être dans son radeau au milieu des alizés ?' 

Pourquoi ne pas avoir raconté tout ça avant ? 
Parce que raconter ce genre de choses aurait suscité des polémiques. Ça ne concernait pas le reste du monde. Je l’explique comme quelque chose qui est une réalité, mais qui est maintenant derrière moi. Si je vous dis ça, c’est parce que vous m'avez demandé pourquoi ce Vendée Globe était si particulier et si dur. 

Tu termines en  4e position, que tu appelles "La place du con"...
Des places du con, j’en ai fait un paquet en Figaro. J’étais 8e, j’étais bien. Et les choses ont fait que j'ai fini 4e. À la place du con. J’ai soulagé l’éventuel con qui aurait pu être à ma place. Comme quoi ma générosité n’a pas de limite. 

Sur cette course, tu passes des moments dingues. Hier, ça n’allait pas et le lendemain, ça n’a rien à voir. Et c’est comme ça tous les jours. Après si tu commences à cumuler les emmerdes, ça devient l’enfer. Le bonheur revient quand tu en sors. Il y a une semaine ou deux, c’était encore l’horreur. Et aujourd'hui, c’est incroyable. 

C’est fou, cet accueil, avec tant de gens qui te témoignent de ce que tu leur as fait vivre. Tous ces gens qui étaient là à 2 heures du matin, ce sont des passionnés. Tu sens cette profondeur, cette sincérité. C’est beau. Cette beauté-là, jamais tu ne peux l’avoir dans d'autres situations. Ça fait partie de ce pourquoi c’est extrême. 

Tu te verrais t'engager sur un autre Vendée Globe ? 
Je n’en sais rien. Si tu me demandes maintenant, à chaud, si je repars demain, c’est non. A chaque fois, on me pose la question et, à chaque fois, je n’en sais rien. Je viens de passer la ligne d’arrivée. Je suis content d’être arrivé, je suis là et il se passera d’autres choses. Mais quand tu es stressé du matin au soir en te demandant si tu va pouvoir arriver ou non, il n’y a pas beaucoup de plaisir. 

Auras-tu envie de transmettre à un jeune pour le prochain Vendée Globe avec ton bateau ? 
Je crois qu’entre Benjamin Dutreux, Damien Seguin et moi, on a donné confiance aux jeunes dans le fait que le Vendée Globe est encore accessible. Aujourd’hui, cette course devient inaccessible financièrement parlant. Il y a des bateaux à 6-7 millions d’euros, donc on se demande si on a besoin d’avoir une multinationale comme sponsor pour pouvoir participer et ne pas rester sur le banc de touche. J’ose espérer que cette édition du Vendée Globe permettra aux organisateurs de regarder le futur d’un autre regard. C’est important - essentiel - que le Vendée Globe soit accessible aux PME et aux jeunes. 

Quels sont les marins que tu as découverts sur ce Vendée Globe ? 
Déjà, il y a Benjamin Dutreux. Et puis évidemment il y a Damien (Seguin). Avec Benjamin, on a navigué ensemble pendant des jours et des jours. Il est dessus, Dutreux ! Ce bateau-là est une des meilleures carènes de chez Farr. C’est un excellent bateau. Et puis je trouve qu’il est bon dans les options, dans la vitesse… Avec ce qu’il a, il fait super bien. Il sait aller vite au bon endroit, il est intelligent dans sa stratégie. Mon objectif était d’arriver devant lui quand j’ai vu que Damien était innatteignable sur la fin. Avec tout ça on a quand même le vieux con, l’handicapé et le branleur ! 

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Damien Seguin, présent dans la salle de conférence, répond à Jean
 : " Ce Vendée Globe était exceptionnel et, si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à toi, Jean. Je pourrais te remercier tous les jours, mais ça ne pourrait jamais compenser tout ce que tu m’as apporté. Il n’y a pas un seul jour ou je n’ai pas pensé à toi. J’ai simplement envie de te dire merci. Quand j’ai eu ce rêve de Vendée Globe, je rêvais de bateaux à foils, et tu as su me faire regarder l’essentiel. Il y en a qui ont des millions et qui sont chez eux ce soir. Nous on est à l’arrivée, et c’est génial ". 
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Jean, quel est ton avis sur Louis Burton ? 
Il s’est complètement lâché. Il n’a pas froid aux yeux. Il était dans la zone rouge tout le temps et il avait une vitesse incroyable. Il s’est arrêté à Macquarie, il est reparti en remettant les pleins gaz et il se retrouve en tête de course dans l’Atlantique Nord. Il a animé le Vendée Globe d’une façon extraordinaire. Sa course avait du caractère. 

Que penses-tu de la victoire de Yannick Bestaven ?
Je suis très content. Il a fait une super course. À la fin du Sud, il était vraiment comme chez lui, les autres n'existaient pas. Après, il a eu ses problèmes, mais au final, il gagne le Vendée Globe. C’est une belle histoire, c’est méritant "