New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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29 Janvier 2021 - 13h19 • 22044 vues

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Après 81 jours 19 heures 45 minutes 20 secondes de course, Benjamin Dutreux (OMIA - Water Family) a bouclé son tour du monde. Réaction à bord, conférence de presse... Voici l'ensemble de ses confidences. 

Sa première réaction, à bord d'OMNIA-Water Family

"C’était une arrivée incroyable, il se passe tellement de choses dans ma tête. J’ai tout donné jusqu’à la fin et je suis juste heureux d’avoir bouclé ce premier Vendée Globe. 

J'ai vu mes partenaires en premier, qui sont arrivés avec mon frère qui pilotait. C’était assez incroyable de voir autant de gens d’un coup, tout le monde en délire. C’était un moment fort en émotions et inoubliable. 

Dormir me ferait immensément plaisir, mais avec l’adrénaline, ça serait impossible. Je suis avec trois personnes de l’équipe, donc on discute, c’est super chouette de les retrouver. Ils m’ont ramené une bonne grosse pizza et ça m’a fait très plaisir. Ce qui me fait le plus plaisir, ce n’est pas de manger ou de dormir, c’est de les revoir. On se félicite ensemble d’avoir bouclé le tour du monde. 

Ce que Jean (Le Cam) a fait est indescriptible. Il a fait taire plein de gens. C’est assez dingue. Il arrive à me faire dire que je vais pouvoir faire encore plein de tours du monde. Je l’appelle 'l’enfant'. On dirait un enfant qui donne tout ce qu’il a et qui se donne à fond." 

Le marin s'est ensuite exprimé lors de sa conférence de presse 

C’est assez indescriptible, c’est une multitude de sensations que je ressens. Les trois derniers jours étaient interminables. Ils m’ont permis de réfléchir à plein de choses. Je pense qu'une course comme cela fait murir mentalement. Je pense que la difficulté rend les choses encore plus belles. 

C’est émotionnellement incroyable. J’éprouve de la fierté d’avoir su relever ce défi, en si peu de temps, avec une si belle équipe. C’est déjà un beau challenge d’être au départ, mais quitte à être au départ, autant être à l’arrivée. C’est vraiment un travail d’équipe. Quand je parle de l’équipe, j'inclus aussi la famille et nos partenaires. Ce qui sont des PME à taille humaine, tout comme notre équipe. Nous sommes une grande famille, on est allés au bout de ce grand défi. On prouve qu'on est capables de grandes choses quand on unit les forces.


Dans le match

Je m’attendais à être dans le match au début, je savais qu’il y avait du près, j’avais le couteau entre les dents. Ensuite, je pensais que les autres allaient partir car il allait avoir des allures de reaching. Au fur et à mesure du parcours, j’ai appris à connaître mon bateau et à le faire marcher. On a fait notre petit coup d’éclat au début, je me suis dit qu’on pouvait s'accrocher. On passe 4e au cap Leeuwin, je me suis dit que si on s’accrochait encore, on pouvait aller au bout !

Avec le bateau, on s’est surpassé du début à la fin. On a donné le meilleur de nous-même sans nous mettre trop de pression. Je voulais rendre une belle copie, je ne cherchais pas forcément un top 10. Ce qui m’a régalé sur la course c’est d’être aux côtés de Jean Le Cam, je l’appelais « l’ancien ». Ça été incroyable de régater contre quelqu’un d’un tel talent. Il me faisait rêver quand j’étais jeune. Avec Damien et Boris aussi, c’était une vraie régate. Je suis un compétiteur, ça m’a animé sur la course. 


Échanges 

Il y des relations qui se sont créées entre skippers. Le seul que je n’ai jamais réussi à avoir c’est Jean. Chacun vient chercher quelque chose de différent, lui venait peut-être chercher la solitude. J'échangeais beaucoup avec Boris (Herrmann), Maxime (Sorel), Damien (Seguin). On se soutient entre skippers, ça n’était pas possible avant.

On a pas mal d’actions avec Flaggy et la Water Family. On a pu intervenir dans 95 classes. Ça faisait partie intégrante de notre projet, ça me paraissait important de ne pas laisser ça de côté même si on était dans le match. 

Je pense que j’ai cru plus d’une fois que le Vendée Globe allait me passer sous le nez. On est fatigué, chaque jour on a des difficultés, et forcément on a parfois envie de baisser les bras. Avoir pu garder un lien régulier avec mes partenaires et la Water Family m’a aussi aidé à surmonter tous ces moments difficiles.


La préparation

Énormément de personnes ont gravité autour du projet. Des partenaires et des mécènes. Pour le baptême du bateau on était très nombreux. J’avais un petit budget de 500/600 000 euros.

Le bateau arrivait du Japon, faire la Transat Jacques Vabre, revenir après qu’une vedette nous soit rentré dedans, faire la qualification pour le Vendée Globe, rechercher des partenaires, en perdre, en retrouver. Une multitude d’efforts. On n’a jamais baissé les bras, on y a toujours cru. Beaucoup de personnes se sont battues. J’espère que ça donnera de l’espoir à d’autres personnes.


L’aventure

Je ne suis jamais passé par la case aventurier, je suis un compétiteur, je l’ai toujours dit. Je ne pensais pas faire ce résultat. Je venais pour mettre mes tripes et finir premier des bateaux de ma génération. Ce qui me motive, c’est la compétition. Je n’aurais pas vécu le Vendée Globe pareil si j’avais été tout seul.
 

Les avaries rencontrées

La liste d’avaries est importante. Le J2 et le moteur sont les plus importantes, mais il y en a tellement. Ce que j’ai appris sur cette course, c’est qu’il faut être un bon bricoleur pour espérer gagner et rester aux avant-postes. Il faut savoir continuer à avancer tout en réparant. Plus d’une fois ça m’a mis dans le rouge car je n’en voyais pas le bout de mes peines. Ça reste des avaries qui ont été réparables, cela souligne le bon travail effectué en amont par mon équipe.

 

Façon de naviguer 

Lors du départ du Vendée Globe, c’était seulement la deuxième fois que je me retrouvais seul à naviguer, la première fois étant le retour de la transat Jacques Vabre pour ma qualification. J’ai fait beaucoup de faux-solo.

Concernant ma façon de naviguer, je suis passé dans un état d’esprit de figariste, qui s’énerve sur les moindres détails, à quelqu’un de beaucoup plus mature dans sa façon de régler le bateau. Manœuvrer un bateau comme ça, ce n’est pas rien, je me sentais de plus en plus à l’aise au fur et à mesure.

Des gourdes j’en ai fait et petit à petit, j’ai appris, en gérant ça en posant les choses. Avant chaque changement de voile, je me posais pour réfléchir en me disant que je n’étais pas à 2 minutes près. Ce qui a été le plus dur pour moi, c’est de réussir à dormir avec la vitesse, les chocs et tout le stress. J’avais vraiment du mal à me reposer. Au final, dans ces moments compliqués, je restais plus en veille, et sinon je pouvais dormir jusqu’à 3-4 heures pour me reposer à fond.

Damien Seguin, présent dans la salle, s'exprime 

J’avais beaucoup d’admiration pour toi tout au long de la course. Une petite anecdote quand on était l’un à côté de l’autre à l’entrée océan Indien. Je pense que tous les deux on ne faisait pas les malins. Ça été un réel plaisir de croiser le fer avec toi sur ce Vendée Globe. J’ai découvert un compétiteur acharné. On peut être fier de ce que l’on a fait, d’être arrivé. On se reverra peut-être à naviguer ensemble ou l’un contre l’autre. Tu peux être fier de toi, t’es un champion !

Réponse de Benjamin

Je me suis vraiment régalé à régater contre toi. On a eu des moments difficiles et ça faisait du bien d’avoir pu se soutenir. J’ai tout donné, je n’ai pas réussi à te suivre quand tu t’es évadé, mais je me suis régalé avant."