New York Vendée - Les Sables d'Olonne New York Vendée - Les Sables d'Olonne
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30 Janvier 2021 - 07h48 • 37198 vues

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10e de ce 9e Vendée Globe, le skipper de V and B - Mayenne est revenu, pendant la conférence de presse, sur sa course, ses découvertes, ses avaries (fissure sur le pont, entre autres), son bonheur de partager ses émotions, ses envies futures...

Une course contre la montre

" Les dernières 72h, c'était une course contre-la-montre. J’ai pris seul la décision de passer devant cette dépression. La Direction de Course m’a averti que c’était chaud, qu’il allait y avoir beaucoup de vent et de mer, que ça allait être compliqué de passer la ligne et de rejoindre le chenal. Il y avait beaucoup de choses qui faisaient que je devais attendre, mais je voyais que ça passait, j’avais envie d’arriver aussi. J’ai mis toutes les choses sur la table, et je me suis dit “ J'y vais”... et je suis là. J’ai cravaché jusqu’au bout, j’étais au-dessus de mes routages. J’étais à 105 % de mes polaires ! Malheureusement, je n’ai pas pu me rendre compte de ce que j’ai vécu. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ma course. Il y a encore 45 minutes, avant le passage de la ligne, je faisais une sieste. Je suis dans une sorte d’ivresse de dette de sommeil. 

Le pont de V and B - Mayenne fissuré

C’est vrai qu’au moment du naufrage de PRB, j’avais ça dans la tête. Mon bateau est quasi identique, PRB étant un peu plus léger. Et mon bateau a eu des gros soucis sur le dernier Vendée Globe 2016 (ndlr : abandon de Thomas Ruyant). Forcément j’avais ça dans la tête et je n'ai pas pu attaquer quand je souhaitais dans le grand Sud. Peut-être que si j'avais attaqué plus, je ne serais pas là aujourd'hui. Quand le pont s’est fissuré et que j’ai dû réparer, ça ne s’est pas vu. Et quand j’ai pris la décision de passer devant (la dépression sur le Gascogne, ndlr), il a fallu mettre du charbon. Si jamais ça cassait, j’étais près des côtes, donc ça allait.

Je savais en partant que j'avais une mission importante : finir. Mais finir ce Vendée Globe avec ce bateau qui a effectivement eu pas mal de déboires sur d'autres courses, c’est génial. J’ai inspecté le bateau très souvent, mon équipe m’a aidé à le faire, on a tenu un tableur pour voir ce que l’on avait à contrôler. Là, je me rends compte d'une petite fissure sur la peinture, vraiment infime. Et en fait je passe le doigt et ça accroche. J'ai tout de suite alerté mon équipe technique qui a contacté les architectes. Ils ont dit direct "Faut ouvrir, la première peau est cassée, la mousse aussi". Il a fallu faire de la grosse chirurgie pour que la fissure ne se propage pas sur le pont. 

Quand j’ai appris ce qui s’est passé sur PRB, cela a été difficile à vivre en mer. La course s'arrête un peu car on sait qu’il y a un gars tout seul sur un radeau. On tire moins sur les bateaux après ça. C'était un moment dur, au début du grand Sud, je rêvais de vagues énormes et de longs surfs. Il ne fallait pas que je fasse de « plantés » à 25 nœuds. Ils sont marrants, les architectes ! D'un coup, tu dérègles le bateau. J’ai fait des surfs à 29,7 nœuds. Quand tu t'arrêtes dans le bas de la vague, tu sens que le bateau craque. J'ai connu un départ à l'abattée, j’ai cru que c’était la fin. Je pensais que le mât allait casser. J'ai mis 1h45 à me sortir de là, il y avait 55 nœuds. S'il y avait un concours de passage de caps, je gagnerais : au Leeuwin, j’étais en tête de mât ; au Horn, j’étais en vrac total. Au pire, si le bateau démâtait, j’avais encore la coque.

Introspection

Je suis quelqu'un qui vit à mille à l'heure. La préparation d’un Vendée Globe, c’est dingue, on est partout sur tous les fronts, on est une petite équipe, je tire toutes les ficelles de mon projet, j’adore ça. C’est vrai que la première semaine de course, on était à fond, il se passait plein de choses, c’était l'euphorie. Et, passé l’équateur, on se retrouve 5-6 jours sur le même bord. Je découvre alors une émotion  : l’ennui. Je me rends compte que c’est le début d'un Vendée Globe, je me demande comment je vais vivre ça. Je me fais une introspection et en écoutant une musique propre à la réflexion, je me mets à écrire ce que je ressens. Je me suis rendu compte que c’était une chance, que la course donne du temps pour nous. Il fallait que je passe par ce stade, je l’ai appelé "le 4e cap". C'est celui de l’intérieur. Je ne sais pas de quelle manière je suis un autre homme, mais en voyant l’émotion de mes proches, mon équipe, vous voir tous là, je sais pourquoi je l’ai fait. Il faut finir le Vendée Globe pour avoir envie d’y retourner. Il faut que je prenne du recul, que je me refasse la course pour savoir comment j’ai changé. 

Perte de poids et de muscles

J’ai perdu du poids, je n’ai plus de mollets, c’est hallucinant. Je faisais des squats par moments dans la remontée parce que les conditions le permettaient. Je ne sais pas combien de kilos j'ai perdu, mais j’ai perdu. Pour la gestion de la nourriture, ce n’est pas du tout comme une transat habituelle. J’ai une nutritionniste, je travaille mon sommeil. Ça s’est bien passé pendant 10 jours. Dans le Sud, avec le décalage horaire, je n’y arrivais plus du tout. Je pensais manger beaucoup plus dans le Sud, mais en fait pas du tout. J’ai encore de quoi faire une transat en double dans le bateau ! Si vous voulez à midi, on peut manger du lyophilisé, il y en a pour tout le monde ! Il y a de très bons trucs cela dit !

Finir le Vendée Globe à tout prix

J’ai trouvé ça dur mais en lisant ce que disait Jean Le Cam, ça devait être une édition dure. C’était mon premier et je pense que l’avenir est clairement sur les foilers, peut-être différemment, la classe IMOCA y travaille. Ce serait bien de réussir à limiter les budgets. C’est une classe au top, super internationale, où il y a énormément d’échanges.

Le plateau est très homogène. Moi, j’ai fait plein de top 5 avec le bateau. Je n’irai pas vers un bateau extrême. Il faut finir le Vendée Globe pour faire une bonne place. Il faut surtout savoir pallier les avaries. J’ai un peu de mal à comprendre qu’on abandonne pour une petite avarie. On peut voir ce que fait Sam (Davies), Jérémie (Beyou). J’ai écrit à Jérémie pour lui dire que je trouvais dingue ce qu’il était en train de faire, je pensais à lui, il est parti en se disant qu’il allait gagner. Il vit un enfer. Je me mettais à sa place et je me disais que je n’étais pas mal loti.

J’étais en tête sur 8 pointages, c’était magique, le premier matin où on se réveille au cap Finisterre, on voit les côtes, on est tous les uns à côté des autres, on attaque, deux jours après je suis premier, je reste premier. C’était du bonus et j’ai pris…. 

Retour en 2024 !

J’ai démarré la course au large en 2014, là où V and B m’a rejoint. La Mayenne nous a rejoints un an et demi avant le départ du Vendée Globe. Nous ne sommes pas nombreux dans l’équipe, nous n’avons pas beaucoup de moyens. On est allé rêver une première fois autour du monde. J’ai envie d’aller faire plus, j’aime la compétition, j’aimerais être au contact des bateaux de devant. Je serai au départ du Vendée Globe 2024 avec un bateau à foils. On a le souhait de continuer ensemble, on a un magnifique dragon dans les voiles pour vaincre la mucoviscidose.

J'avais la mission de montrer que rien n’était impossible. Pour moi, mes partenaires, mon équipe, pour l’association. C’était une grosse mission ! Mais je suis un peu comme ça dans la vie. Ce que j’ai trouvé chouette, c’est le temps qu’on a pour raconter les choses. Il n’y a pas ça sur les autres courses, ça va trop vite. On n’a pas le temps de scénariser les choses que l’on vit. On vit des choses pas simples à raconter en mer. Mais j'essaie de raconter un petit bout de ce que je vis. Je ne suis pas un solitaire, j’ai passé mon temps à écrire à plein de gens. On avait un autre projet en parallèle de celui-ci. Un des cofondateurs de V and B a fait le tour du monde de tous les magasins, c’était son Vendée Globe à lui. On a vécu en parallèle, sa course et la mienne. On se faisait des visios dans les magasins. J’avais besoin de ça ! "