Si depuis deux ans, la carrière de Fabrice Amedeo a été marquée par des évènements fâcheux avec un abandon sur le dernier Vendée Globe et un naufrage sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, le marin affiche un mental d’acier. Un mois après avoir vu son IMOCA sombrer, il faisait l’acquisition d’un autre bateau pour disputer le Vendée Globe 2024. Au travers de son parcours et de sa capacité à rebondir, il nous livre une véritable leçon de résilience.
Baigné dans la voile depuis petit, Fabrice Amedeo commence à régater à l’adolescence. En parallèle, il mène une vie de terrien qu’il qualifie de « classique » : il étudie la philosophie puis entame une carrière de journaliste au Figaro. L’année de ses trente ans, il plonge dans le grand bain : il dispute La Solitaire du Figaro. « J’ai pris une grosse raclée, mais j’ai adoré ! » s’amuse le skipper. Puis il se lance en Class40 tout en poursuivant sa carrière au Figaro. En 2012, il décroche une 9e place (sur 45 bateaux) sur la Route du Rhum, un très bon résultat. À son arrivée en Guadeloupe, il décide de se lancer en IMOCA, avec en ligne de mire le Vendée Globe 2016. Sa carrière de journaliste prend fin : il devient skipper professionnel.
Le Vendée Globe : je t’aime, moi non plus
Ce premier tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance en 2016 est une immense réussite. « En 2020, mon deuxième Vendée Globe est dans l’excès inverse ». En proie à des problèmes de hook, il rentre au port quatre heures après le départ. Contraint de rester à quai deux jours et demi pour réparer, il prend alors un nouveau départ, mais le scénario météo lui est totalement défavorable : « la porte s’était totalement refermée ». Quand après plusieurs jours de course, des problèmes d’informatique surviennent à bord, c’est presque un soulagement. Il décide d’abandonner. En 2021, le projet se relance. Il dispute la Transat Jacques Vabre avec Loïs Berrehar, retrouve l’envie. Puis à l’hiver 2022, porté par cette belle dynamique, il décide d’ajouter de grands foils à son IMOCA. À la rentrée 2022, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le bateau est totalement révolutionné par ces nouveaux appendices et l’apprentissage de cette nouvelle monture est difficile. Il passe alors énormément de temps sur l’eau, coaché par Vincent Riou, ancien vainqueur du Vendée Globe. La confiance revient. Sur la Route du Rhum, le marin est en état de grâce : « au 3e jour de course, je suis 15e, je me sens à ma place, exactement là où je dois être. J’ai mis le bon curseur, stratégiquement je suis dedans, je me sens bien en mer ». Et là, tout bascule. Son IMOCA prend feu puis coule devant ses yeux, alors qu’il se trouve dans son radeau de survie, à près de 700 milles des côtes. « Si le début de saison en demi-teinte m’avait beaucoup affecté, cela n’a pas été le cas du naufrage. Je me suis senti hyper serein à bord du radeau, c’est très dur à décrire. J’ai eu le sentiment de m’en être très bien sorti ». Récupéré par un cargo dans une mer formée et par 30 nœuds de vent, il est alors déposé aux Açores. « Après cet épisode, je n’ai pas ressenti la moindre appréhension. J’ai même eu le sentiment d’en sortir plus fort. Je tombe, je me relève. L’envie n’est jamais partie » confie le marin.
Depuis son abandon sur le Vendée Globe 2020, Fabrice avoue être accompagné sur l’aspect mental : « C’est vraiment important, ça aide à passer toutes les épreuves. Celles liées au bateau et celles liées à la vie, qui parfois s’accumulent. À 40 ans, on se trouve à la moitié de sa vie, on commence à se questionner. Mon principal déclic a été de trouver ma raison d’être. Pour ma part, c’est d’être sur l’eau, de raconter des histoires, qu’elles soient liées à l’aventure au large ou à la sensibilisation sur les questions environnementales. »
© Fabrice Amedeo / Imoca
Un rebond, en arrière ?
Juste après son naufrage, les sponsors lui confirment que tous souhaitent l’accompagner pour rebondir. Il faut alors trouver un nouveau bateau. Rapidement, une option se dessine, celle de la raison : un mois après l’accident, il rachète l’IMOCA sur lequel Rodolphe Sepho a disputé la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, ex La Mie Câline – Artisans Artipôle d’Arnaud Boissières sur le dernier Vendée Globe. Un bateau ancien, proche de celui sur lequel Fabrice a disputé son premier Vendée Globe. Sportivement, c’est un retour en arrière. Il faut digérer ce choix, se concentrer sur le plus important : reconstruire un beau projet, écrire une belle histoire sur ce Vendée Globe 2024. La suite ? Le marin rêve de lancer la construction d’un IMOCA neuf à foils pour 2028 et disputer son dernier Vendée Globe, l’année de ses 50 ans.
Pour le moment, il s’enthousiasme du challenge de transformer ce bateau ancien : « Sur les courses transatlantiques, ça va être vraiment difficile sportivement, je le sais. Mais il y a un bon coup à jouer sur le Vendée Globe, car les nouveaux bateaux sont vraiment durs dans les mers du Sud. Avec un bateau léger, simple et fiable qui peut aller dans le gros temps avec des trajectoires tendues, il y a moyen de faire quelque chose ! » La mise à l’eau est prévue courant juin. Mais ne lui parlez pas du classement des bateaux à dérives : « sur le Vendée Globe, il y aura 40 IMOCA, une seule ligne de départ, une seule ligne d’arrivée. Il n’y a pas de classement dans le classement. »
Naviguer pour la science
Depuis 2019, Fabrice intègre la science à bord de ses projets. Sur ce bateau, comme sur le précédent, il embarquera un capteur mesurant le taux de CO2, la salinité et la température de la mer ainsi qu’un capteur de microplastiques. Les différentes données récoltées seront exploitées par l’université de Bordeaux et l’Ifremer. Mais cela va encore plus loin : « Grâce à ces liens tissés avec la communauté scientifique, mon partenaire Nexans, qui fabrique des câbles d’éoliennes offshore, collabore désormais avec les scientifiques pour mesurer l’impact des matériaux qu’il utilise sur l’environnement marin dans une démarche d’amélioration » indique le skipper, convaincu que c’est par ce type de démarches que les choses tendront à s’améliorer. Par ailleurs, naviguer pour la science permet aussi d’apporter un ressort mental : « Si ça ne se passe pas bien sur l’eau, que je ne suis pas là où je voudrais être dans la flotte, j’y pense et ça m’aide » ! Un plus au niveau psychologie, ô combien important.