Pour la première fois, deux marins font exploser la barre mythique des 80 jours. François Gabart et Armel Le Cléac'h signent un duel planétaire inoubliable qui s'achève après 78 jours de mer… et seulement trois heures d'écart à l‘arrivée aux Sables d'Olonne ! Retour sur images.
Vingt skippers sont au départ le 10 novembre 2012. Seule femme en lice, la Britannique Samantha Davies est très demandée, mais c'est aussi le cas de Vincent Riou, Marc Guillemot, Armel Le Cléac'h, Jean Le Cam, Mike Golding… Dès l'entame, Bertrand de Broc rentre au port pour réparer après une collision. Il repartira. Pas Marc Guillemot : son "Safran" perd sa quille après cinq heures de course ! En tête, ils foncent dans le golfe de Gascogne : François Gabart, Armel Le Cléac'h, Jean-Pierre Dick et Bernard Stamm aux avant-postes. Après deux jours de mer, Kito de Pavant est heurté par un chalutier et abandonne. Deux jours plus tard, même avarie fatale pour Louis Burton. Le 15 novembre, le Saveol de Samantha Davies démâte. Le 18, Jérémie Beyou abandonne : tête de vérin de quille brisée.
20 au départ, 11 à l’arrivée
Aux Canaries, un groupe de six leaders se forme : Armel Le Cléac'h, François Gabart, Jean-Pierre Dick, Vincent Riou, Bernard Stamm et Alex Thomson. Mike Golding est déjà à 300 milles. A l'équateur, Armel Le Cléac'h a 5 heures d'avance sur François Gabart, Jean-Pierre Dick et Vincent Riou. Le 21 novembre le Polonais "Gutek" Gutkoswki jette l'éponge pour des problèmes de pilote automatique. Dix jours après le départ, ils ne sont plus que quatorze. Le Pot au noir et le nouveau vent de l'hémisphère sud forment deux groupes de tête : les six précités et un trio de chasseurs qui ferraille à 300 milles : le Français Jean Le Cam, le Suisse Dominique Wavre et le Britannique Mike Golding. Le contournement de l'anticyclone de Ste Hélène semble parfait quand survient un nouveau coup de théâtre : le 24 novembre au large du Brésil, PRB heurte une tonne qui dérive en pleine mer. Vincent Riou abandonne.
Les leaders avalent des journées à 500 milles et plus. Il y a trois courses dans la course entre les cinq de devant, leurs trois chasseurs et les cinq rescapés de l'arrière : Arnaud Boissières, Javier Sanso, Bertrand de Broc, Tanguy de Lamotte et le Sicilien Alessandro di Benedetto. Au Cap de Bonne Espérance, Armel Le Cléac'h signe un nouveau record intermédiaire en 22 jours et 23 h, avec une avance très faible sur ses proches rivaux : 3 h sur Jean-Pierre Dick, 4 sur François Gabart, 6 sur Bernard Stamm. Voici donc l'Océan Indien. A haute vitesse - entre 20 et 22 noeuds - la lutte est incroyable en tête, entre chaque porte des glaces. Le 10 décembre, François Gabart signe une journée record à 534 milles. Il recolle au tableau arrière d'Armel Le Cléac'h. Dans leur duel acharné, les deux Figaristes se forgent une poignée de milles d’avance sur Jean-Pierre Dick, un peu plus sur Bernard Stamm et Alex Thomson.
Le Cléac’h et Gabart s’envolent
Le Cléac’h et Gabart parviennent à accrocher un système météo un peu plus favorable, et ils sont les seuls dans ce cas. En quatre jours leur avance augmente de manière vertigineuse : le 14 décembre, Jean-Pierre Dick est 300 milles derrière. Sous l'Australie, le duel est ahurissant entre François et Armel. Derrière eux, le désert : à l'aplomb de la Nouvelle-Zélande, Jean-Pierre Dick est toujours 3e… mais à 600 milles. Le duo Stamm-Thomson émarge à 900 milles. Bernard Stamm doit faire halte dans l'archipel d'Auckland pour tenter de réparer ses hydro-générateurs, mais l'escale tourne au cauchemar : l'ancre de Cheminées Poujoulat chasse et Bernard est contraint de s'amarrer à un bateau scientifique russe pour ne pas s'échouer. Sans avoir demandé, un matelot de ce bateau saute à bord de Cheminées Poujoulat. Le Jury considère qu'il y a eu assistance : Bernard est disqualifié. Il fera deux nouvelles escales, à Dunedin puis après le cap Horn, mais réussira, hors course, à boucler la boucle.
La messe est dite pour les quatre premières places dès le Pacifique. Le 1er janvier, François Gabart passe le Horn 80 minutes devant Armel Le Cléac'h. Il cumule alors un jour et demi d'avance sur le 3e Jean-Pierre Dick et deux jours sur le 4e Alex Thomson. Quand Armel et François remontent en Atlantique Sud, six bateaux sont encore au milieu du Pacifique, deux autres l'entament à peine et Alessandro di Benedetto ferme la marche à l'aplomb de l'Australie. Un océan d'écart ! La première semaine de 2013 marque le tournant du match : d'abord, un petit incident technique sur son gennaker fait concéder une poignée de milles à Armel Le Cléac'h, qui se retrouve contraint d’attaquer. Il passe à l'offensive via un bord vers l'ouest, mais François Gabart contrôle. L'écart se creuse doucement le long du Brésil. François Gabart ne commet aucune erreur et va vite. Son avance monte à 100, puis 250 milles. Reste à négocier l'anticyclone des Açores et ce n’est pas simple : Armel Le Cléac’h revient à 90 milles. Nouveau coup de théâtre le 22 janvier : Jean-Pierre Dick annonce qu'il a perdu sa quille ! Ses espoirs de podium s’écroulent. Alex Thomson se déroute vers lui, au cas où. "Merci Alex, prends soin de cette troisième place" lui répond « Jipé ». Devant, le dernier millier de milles est une belle empoignade mais Macif résiste.
Le 27 janvier 2013, submergé par l’émotion, François Gabart embouque le chenal sous les vivas d’une foule énorme. Le skipper de Macif devient le plus jeune vainqueur du Vendée Globe et le premier à passer sous le cap des 80 jours : 78 jours, 2 heures, 16 minutes et 40 secondes. Le record de Michel Desjoyeaux est pulvérisé de près de six jours ! Trois heures plus tard, Armel Le Cléac'h n’est pas moins fêté : il termine deuxième de l'Everest des mers pour la deuxième fois consécutive. Alex Thomson décroche la troisième place 2 jours et 17 heures plus tard. Jean-Pierre Dick, sans quille, parviendra à sauver sa quatrième place… alors que, pendant ce temps, Javier Sanso a chaviré aux Açores ! Jean Le Cam arrive 5e le 6 février, avec 9 jours et 21 h de retard sur le vainqueur. Ils seront au total onze classés. Alessandro di Benedetto, chouchou du public, arrivera dans un joli délire populaire le 22 février, après 104 jours de mer.
Le classement de l'édition
- François Gabart (Fra, Macif), 78j 02h 16’
- Armel Le Cléac’h (Fra, Banque Populaire), 78j 05h 33’
- Alex Thomson (GB, Hugo Boss), 80j 19h 23’
- Jean-Pierre Dick (Fra, Virbac Paprec 3), 86j 03h 03’
- Jean Le Cam (Fra, Synerciel), 88j 00h 12’
- Mike Golding (GB, Gamesa), 88j 06h 36’
- Dominique Wavre (Sui, Mirabaud), 90j 03h 14’
- Arnaud Boissières (Fra, Akéna Vérandas), 91j 02h 09’
- Bertrand De Broc (Fra, Votre Nom autour du Monde avec EDM Projet), 92j 17h 10’
- Tanguy De Lamotte (Fra, Initiatives-Coeur), 98j 21h 56’
- Alessandro Di Benedetto (Fra-Ita, Team Plastique), 104j 02h 34’
Hors-course
- Bernard Stamm (CH, Cheminées Poujoulat)
Les abandons
- Javier Sansó (Spa, Acciona 100% EcoPowered), capsized
- Vincent Riou (Fra, PRB), collision with a metal buoy
- Zbigniew Gutkowski (Pol, Energa), autopilot damage
- Jérémie Beyou (Fra, Maître CoQ), keel problems
- Samantha Davies (GB, Savéol), dismasted
- Louis Burton (Fra, Bureau Vallée), collision with a trawler (Northern Atlantic)
- Kito De Pavant (Fra, Groupe Bel), collision with a trawler (Portuguese coasts)
- Marc Guillemot (Fra, Safran), keel problems (Bay of Biscay)