L’incroyable nouvel exploit de Desjoyeaux
La sixième édition du Vendée Globe est marquée par les sauvetages spectaculaires de Yann Eliès dans l’océan Indien et de Jean Le Cam au cap Horn. L’exploit sportif est l’oeuvre Michel Desjoyeaux : parti en retard de plus de 40 heures après être rentré pour réparer aux Sables d’Olonne, il signe une fantastique remontée et gagne l’épreuve pour la deuxième fois, après 84 jours de mer.
Dans les gazettes, bien avant le départ on appelle déjà ce Vendée Globe 2008 « La course du siècle ». Il faut dire que la participation est déjà un record : pas moins de trente skippers, dont treize étrangers sont en lice. Avec parmi eux deux anciens vainqueurs tentés par une répétition de l’histoire : Vincent Riou et Michel Desjoyeaux. Dès les premières heures de course, les marins entrent dans le vif du sujet dès l’entame car le golfe de Gascogne est balayé par un coup de tabac.
Toute la flotte souffre et, très tôt, les avaries se multiplient : Kito de Pavant, le Britannique Alex Thomson, et Yannick Bestaven sont contraints à l’abandon dès le deuxième jour de course ! Le bateau de Marc Thiercelin, lui, démâte le lendemain, ruinant ses espoirs de retour sur le devant de la scène nautique. La course par élimination fait déjà son œuvre, d’autant qu’on ne donne alors pas très cher des chances de cinq autres marins qui se sont vu obligés de rebrousser chemin vers le port des Sables d’Olonne pour y effectuer des réparations, après plusieurs avaries subies dans les premières heures de course. C’est le cas notamment de Michel Desjoyeaux… qui parvient certes à réparer mais reprend la mer avec un handicap de 41 heures. Près de deux jours de retard !
En mer, tout va bien en revanche pour Loïck Peyron, qui confirme son statut de favori en coupant l’équateur en leader. Derrière lui, aux prises avec le Pot au noir, on trouve alors un groupe de cinq chasseurs motivés : Sébastien Josse, Jean-Pierre Dick, Armel Le Cléac’h, Vincent Riou et Yann Eliès. Ce groupe de tête aborde alors l’Atlantique Sud, où le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène redistribue les cartes. Sébastien Josse prend la tête, mais les écarts sont faibles et les leaders naviguent à vue à l’entrée des Quarantièmes Rugissants. Les marins et leurs montures ne connaissent aucun répit : vents forts, mer cassante : dans le Grand Sud, les conditions sont plus que viriles. Loïck Peyron et Sébastien Josse creusent légèrement l’écart et ce dernier parvient à reprendre le leadership dans l’Océan Indien. Mais derrière, Michel Desjoyeaux a déjà entamé son incroyable retour. Il fonce plus vite que tout le monde et est déjà revenu à seulement une centaine de milles de la tête de course !
Le dramatique accident de Yann Eliès
Le mois de décembre est terrible. Les solitaires encore en course font face à des conditions dantesques dans l’océan Indien. Les abandons se succèdent : Loïck Peyron et Mike Golding démâtent, pour Bernard Stamm c’est la catastrophe aux Kerguelen, où il comptait faire un arrêt technique : son bateau s’échoue sur les récifs ! Le bateau d’un autre Suisse, Dominique Wavre, est lui en délicatesse avec sa quille. Hélas, le pire est à venir : le 18 décembre, la course tourne au drame. Yann Eliès, alors aux avant-postes, se brise le fémur et le bassin dans une manœuvre à l’avant de son Generali, à 800 milles au Sud de l’Australie. Yann souffre atrocement et devra faire un effort surhumain d’abord pour se réfugier à l’intérieur de son bateau, puis pour avoir la force d’y chercher des médicaments anti-douleurs. Marc Guillemot se déroute dans des conditions abominables pour venir lui porter secours, en attendant que la Marine Australienne ne vienne finalement évacuer le skipper de Generali, après deux jours de souffrance. Le marin est sauvé, il s’en tirera après opération et une longue rééducation, mais son bateau est perdu. L’épisode suscite une énorme émotion à terre et un déferlement médiatique inédit.
Côté course, l’incroyable est arrivé : Michel Desjoyeaux a pris les commandes… et il ne les quittera plus jusqu’à l’arrivée. Dans un Pacifique qui ne l’est pas vraiment, il garde la tête tandis que Sébastien Josse doit jeter l’éponge à son tour, son BT ayant été balayé et très endommagé par une déferlante. A ce moment-là, ils ne sont plus que seize skippers encore en course. Seuls Roland Jourdain et Jean Le Cam parviennent tant bien que mal à s’accrocher pour garder le leader Michel Desjoyeaux à portée de tir. Le 31 décembre, c’est sur Jean-Pierre Dick que s’abat la malchance : son bateau est percuté par un growler – un morceau d’iceberg – et il doit à son tour déclarer son abandon. On espère alors en avoir fini avec les fortunes de mer. Ce n’est hélas pas le cas.
Jean Le Cam sauvé par Vincent Riou
Après 56 jours de mer, Michel Desjoyeaux double le cap Horn en tête avec une poignée d’heures d’avance sur Roland Jourdain. Le duel entre les deux hommes bat son plein alors qu’intervient un nouveau rebondissement, terrible lui aussi : Jean Le Cam, alors troisième, chavire à 200 milles du Horn ! On est sans nouvelles du skipper. Armel Le Cléac’h et Vincent Riou se déroutent, Riou arrive le premier sur zone et retrouve la coque de VM Matériaux retournée. Après avoir pu vérifier que Jean est bien à bord du bateau qui a perdu son lest, le skipper de PRB parvient à secourir celui de VM Matériaux. Mais dans cette manœuvre périlleuse, il endommage son bateau. Et malgré une réparation de fortune, PRB démâte la nuit suivante. Chose inédite dans les annales de la course, Vincent Riou sera reclassé 3e ex-æquo par le Jury.
Pendant ce temps, les leaders entament leur remontée des deux Atlantique, Sud et Nord, mais l’anticyclone de Sainte-Hélène barre de nouveau la route. Michel Desjoyeaux résiste aux assauts de Roland Jourdain… qui heurte d’abord une baleine mais continue la course. Au 81e jour de course, nouveau coup de théâtre : Jourdain perd le bulbe de quille de son bateau et il doit abandonner ! Michel Desjoyeaux file alors vers la victoire. Il franchit la ligne d’arrivée en vainqueur après 84 jours, 03 heures, 09 minutes et 08 secondes de course. Il a parcouru 28 303 milles à une vitesse moyenne de 14 nœuds. Le record de Vincent Riou est battu de plus de trois jours. Armel Le Cléac’h, régulier aux avant-postes, s’offre une magnifique deuxième place. Marc Guillemot complète le podium. L’Autrichien Norbert Sedlacek, lui, fermera la marche après 126 jours de mer. Sur les trente skippers du départ, il n’y aura que onze rescapés classés, dont les deux femmes de la flotte, les deux Anglaises Samantha Davies et Dee Caffari.
Le classement de l'édition
- Michel Desjoyeaux (Fra, Foncia), 84 j 03h 09’
- Armel Le Cléac’h (Fra, Brit Air), 89j, 09h 35’
- Marc Guillemot (Fra, Safran), 95j 03h 19’
Vincent Riou (Fra, PRB), réparation donnée (reclassé troisième)
- Samantha Davies (GB, Roxy), 95j 04h 39’
- Brian Thompson (GB, Bahrain Team Pindar), 98j 20h 29’
- Dee Caffari (GB, Aviva), 99j 01h 10’
- Arnaud Boissières (Fra, Akena Vérandas), 105j 02h 33’
- Steve White (GB, Toe in the Water), 109j 00h 36’
- Rich Wilson (USA, Great American III), 121j 00h 41’
- Raphael Dinelli (Fra, Fondation Océan Vital), 125j 02h 32’
- Norbert Sedlacek (Aut, Nauticsport-Kapsch), 126j 05h 31’
Les abandons
- Roland Jourdain (Fra, Veolia environnement), perte du bulbe de la quille
- Jean Le Cam (Fra, VM Matériaux), chavirage
- Jonny Malbon (GB, Artemis), problème de grand-voile
- Jean-Pierre Dick (Fra, Paprec-Virbac 2), choc avec un growler
- Derek Hatfield (Can, Algimouss Spirit of Canada), chavirage
- Sébastien Josse (Fra, BT), bateau endommagé à cause d’une déferlante
- Yann Eliès (Fra, Generali), accident corporel
- Mike Golding (GB, Ecover), démâtage
- Jean-Baptiste Dejeanty (Fra, Maisonneuve), avaries multiples
- Loïck Peyron (Fra, Gitana Eighty), démâtage
- Bernard Stamm (Sui, Cheminées Poujoulat), bateau échoué aux Kerguelen
- Dominique Wavre (Sui, Temenos II), problèmes de quille
- Unai Basurko (Esp, Pakea Bizkaia), problèmes de safran
- Jérémie Beyou (Fra, Delta Dore), problèmes de mât
- Alex Thomson (GB, Hugo Boss), avaries multiples
- Yannick Bestaven (Fra, Aquarelle.com), démâtage
- Marc Thiercelin (Fra, DCNS), démâtage
- Kito de Pavant (Fra, Groupe Bel), démâtage