Le cinquième Vendée Globe est le théâtre d’un duel épique entre les Bretons Jean Le Cam et Vincent Riou. Un combat incessant, arbitré par l’Anglais Mike Golding. Au final c’est « Vincent le terrible », à bord de son PRB, qui aura le dernier mot.
Vingt skippers sont au départ du cinquième Vendée Globe, ce 7 novembre 2004 aux Sables d’Olonne. Parmi eux, la fine fleur de la course au large française et sept étrangers venus du Royaume Uni, des Etats-Unis, d’Australie, de Suisse et d’Autriche. Comme souvent le plateau est composé d’un bon tiers de marins venus pour gagner, d’autres qui prétendent à une place honorable et enfin d’une bonne dose d’aventuriers pour qui boucler la boucle sera une grande réussite. Deux femmes sont engagées - Anne Liardet et Karen Leibovici - et toutes deux feront partie des treize marins classés à l’arrivée. Sur les quais de La Chaume et de Port Olona, c’est la foule des grands jours : plus de 300 000 spectateurs.
Pour une fois, la météo est relativement bonne fille : du portant dans le golfe de Gascogne, avec juste une petite dépression sur le cap Finisterre pour pimenter ce début de course qui s’apparente très vite à un sprint. Histoire de bien enchaîner, l’alizé portugais est bien installé et c’est à grande vitesse que débute ce Vendée Globe.
Au sprint dès le départ
La preuve : l’archipel des Canaries est doublé au bout de quatre jours de mer pour les six bateaux des avant-postes, lesquels coupent l’équateur en dix jours seulement. Ce premier groupe de tête - où l’on trouve déjà Vincent Riou, Jean Le Cam et Mike Golding - parvient à s’extirper des affres du Pot au noir bien mieux que les deux autres tiers de la flotte.
Le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène fera son œuvre également dans l’Atlantique Sud, au bénéfice de deux des grands favoris de la course : au cap de Bonne Espérance, à la pointe de l’Afrique du Sud, Vincent Riou et Jean Le Cam se sont déjà constitués un capital intéressant. Alors qu’ils naviguent à vue - quasiment bord à bord après 6000 milles parcourus - Riou et Le Cam ont réussi à engranger 300 milles d’avance sur un duo composé de Sébastien Josse et Roland Jourdain. Le Britannique Mike Golding émarge, lui, en cinquième position à plus d’une journée et demi de mer. Hervé Laurent abandonne sur avarie de safran, Patrice Carpentier devra lui aussi s’arrêter pour réparer la bôme brisée de son bateau et bouclera la boucle hors course.
Pépins de quilles, entre autres…
Dans les Quarantièmes rugissants, la bagarre fait rage à chaque hauteur du classement. Le bateau du Britannique Alex Thomson en fait les frais : fixation de bôme arrachée et trou dans le pont, le skipper anglais se déroute et abandonne. Désillusion également pour l’Autrichien Norbert Sedlacek : la fixation de quille de son bateau a rendu l’âme. L’océan indien voit le duel Riou-Le Cam en tête se poursuivre à grande vitesse, mais d’autres avaries fatales viendront perturber le match des chasseurs. Ainsi, la fixation de quille de Sill et Veolia, le bateau de Roland Jourdain, est fendue et menace de laisser couler son lest par le fond. La mort dans l’âme, Jourdain se déroute vers la Tasmanie… alors que la Nouvelle-Zélande voit également l’abandon de Marc Thiercelin. Un septième skipper devra jeter l’éponge, beaucoup plus tard dans l’Atlantique Sud, Skandia, le bateau de l’Australien Nick Moloney subira hélas la même avarie de quille. Il parviendra à rejoindre le Brésil.
Mais revenons dans le Pacifique, où le Britannique Mike Golding signe un joli retour sur le jeune Sébastien Josse… lequel se fait une belle frayeur en percutant un growler ! La collision brise net le bout-dehors de VMI. Josse poursuit sa route, mais il n’a plus toutes les armes pour se battre et sa vitesse en pâtit. Il lui faudra d’ailleurs beaucoup de tempérament pour parvenir à glaner une belle cinquième place à l’arrivée aux Sables d’Olonne, malgré ce handicap. Mais nous n’en sommes pas là encore. A l’avant, le duel est toujours aussi serré entre Vincent Riou et Jean Le Cam, qui a eu le temps d’inventer des surnoms restés célèbres pour ses deux plus proches adversaires : « Goldfinger » pour Mike Golding et « Vincent Le Terrible » pour qui l’on sait.
La route météo de Riou
Le Cam passe le cap Horn en tête. C’est très souvent signe de victoire finale sur le Vendée Globe. Mais pas cette fois. Car la remontée de l’Atlantique Sud s’avère cruelle pour « Le Roi Jean » pris dans la nasse de l’anticyclone et Mike Golding est encore bien revenu… Cela fait deux adversaires à surveiller dans le rétroviseur pour Vincent Riou, qui a donc pris les commandes avec autorité. Derrière, les écarts son conséquents. Karen Leibovici, qui ferme la marche, n’est pas encore à la moitié du Pacifique quand le trio de tête franchit l’équateur pour la deuxième fois.
Le final sera marqué par deux choses : d’une part Ecover, le bateau de Mike Golding, perd sa quille mais le Britannique n’abandonne pas et poursuit sa route « en dériveur », vers une troisième place plus que méritée (ndr, Marc Guillemot fera de même en 2012, même avarie et même classement) ; d’autre part, le grand public imagine que Jean Le Cam va pouvoir venir chiper la victoire sur le fil à Vincent Riou, parce que celui-ci est obligé de faire une route météo très nord avant de redescendre vers le chenal des Sables d’Olonne. Ce n’est qu’un effet d’optique. « Je ne suis pas inquiet, je fais ma route météo même si je sais que celle-ci n’est pas la plus courte » explique très calmement Vincent Riou qui s’impose le 2 février 2005 après 87 jours 10 heures et 45 minutes de mer, nouveau record, à la moyenne de 12,73 nœuds. Jean Le Cam prend la deuxième place moins de sept heures plus tard et c’est donc Mike Golding qui complète le podium, le lendemain. Il faudra attendre quatre, cinq et dix jours supplémentaires pour voir arriver respectivement aux places d’honneur Dominique Wavre, Sébastien Josse et Jean-Pierre Dick. Treize marins seront classés et un sponsor est encore plus ravi que les autres : Jean-Jacques Laurent, le Pdg de PRB : il avait gagné en soutenant Michel Desjoyeaux, il gagne encore, cette fois avec Vincent Riou. Jolis retours sur investissements !
Le classement de l'édition
- Vincent Riou (Fra, PRB) : 87j 10h 47’
- Jean Le Cam (Fra, Bonduelle) : 87j 17h 20’
- Mike Golding (GB, Ecover 2) : 88j 15h 15’
- Dominique Wavre (Sui, Temenos) : 92j 17h 13’
- Sébastien Josse (Fra, VMI) : 93j 17h 13’
- Jean-Pierre Dick (Fra, Virbac-Paprec) : 98j 03h 49’
- Conrad Humphreys (G.B, Hellomoto) : 104j 14h 32’
- Joé Seeten (Fra, Arcelor-Dunkerque) : 104j 23h 02’
- Bruce Schwab (USA, Ocean Planet) : 109j 19h 58’
- Benoît Parnaudeau (Fra, Max Havelaar-Best Western) : 116j 01h 06’
- Anne Liardet (Fra, Roxy) : 119j 09h 28
- Raphaël Dinelli (Fra, Akena Vérandas) : 125j 04h 07’
- Karen Leibovici (Fra, Benefic) : 126j 08h 02’
Hors-course
- Marc Thiercelin (Fra, Pro-Form), problèmes techniques, arrêt en Nouvelle-Zélande
- Patrice Carpentier (Fra, VM Matériaux), bôme cassée, arrêt en Nouvelle-Zélande
Les abandons
- Alex Thomson (G.B, Hugo Boss), trou dans le pont, arrêt à Cape Town
- Hervé Laurent (Fra, UUDS), problème de safran, arrêt à Cape Town
- Norbert Sedlacek (Aut, Brother), problème de quille, arrêt à Cape Town
- Roland Jourdain (Fra, Sill & Veolia), problème de quille, arrêt en Tasmanie
- Nick Moloney (Aus, Skandia), perte de la quille, arrêt au Brésil