Evénements décisifs à l’entrée du Pacifique

Semaine 6 du 13 au 20 décembre

Semaine 6 du 13 au 20 décembre

Cette sixième semaine de course est riche en péripéties, passages symboliques, décisions ‘juridiques’ et résolutions héroïques de problèmes techniques… autant d’événements qui vont peser de tout leur poids sur l’issue de ce 9e Vendée Globe.

© Louis Burton / Bureau Vallee 2
© Thomas Ruyant / LinkedOut

Les chiffres
de la semaine !

  • 17,2 nœuds ( record de vitesse moyenne sur 24 heures de Didac Costa le 15 dec)
  • 24 milles (écart qui sépare Jean Le Cam, Damien Seguin, Benjamin Dutreux et Louis Burton au passage du cap Leeuwin)
  • 4 places gagnées ( par Jérémie Beyou pendant cette semaine 6)

Le 20 décembre, la moitié de la flotte a franchi le cap Leeuwin, deuxième des trois grands piliers de ce tour du monde, et treize solitaires ont fait leur entrée dans le Pacifique, le plus vaste océan de la planète. Sur le chemin du cap Horn, plusieurs épisodes heureux et malheureux vont avoir une influence considérable sur la suite de la course.

Yannick Bestaven prend la tête

Le lundi 14 décembre, alors que Sam Davies repart de cap Town pour terminer sa circonvolution hors course, le leader Charlie Dalin, ralenti sur un bord depuis plusieurs jours, révèle un problème de foil bâbord. La cale basse est cassée, l’appendice ne tient plus dans son puits. Le skipper d’Apivia met la compétition entre parenthèses pendant plusieurs heures pour effectuer une réparation de fortune.  Il laisse les commandes à Thomas Ruyant. Un leadership de très courte durée. Car le 16 décembre au matin c’est Yannick Bestaven, le 3e larron de ce triumvirat, dont le bateau est toujours à 100% de ses capacités, qui revêt pour la première fois  la couronne. Le soir du même jour, Thomas Ruyant doit à son tour s’écarter de la route après avoir rempli accidentellement d’eau la soute avant de son bateau et s’être fait une belle frayeur.

Charlie Dalin (Apivia) mercredi 16 décembre au matin. « Quand l’avarie est arrivée, c’était un choc car la première chose que je me suis dite, c’est que c’était fini. Mais mon équipe s’est mobilisée en mode « Apollo 13 ». J’espère que c’était le dernier souci et que maintenant ça va dérouler. J’ai perdu pas mal de temps, mais je suis à portée de tirs de mes deux compères ! Je n’ai plus rien à perdre, je vais naviguer à fond pour les raccrocher ».

Le Jury International prend une décision

Comme une coïncidence prémonitoire, le jury international rend sa décision le jour même où Maître CoQ IV prend les devants. Les compensations en temps accordées aux sauveteurs de Kevin Escoffier ont été calculées :  Jean Le Cam est bonifié de 16h15, Yannick Bestaven de 10h15 et Boris Herrmann de 6h. Dès lors, les calculettes resteront à portée de main. Et dans les esprits, les écarts sur l’eau seront à observer à la lueur de ces  heures de « bonifs ».

Thomas Ruyant (LinkedOut) le 17 décembre au matin : « Les deux loquets avant de la trappe se sont ouverts sous l’effet des vagues. Je marchais alors à plus de 25 noeuds. Le bateau s’est rempli en 30 minutes pendant que je dormais. J’ai vraiment cru que l’histoire se répétait ! »

Louis Burton prend le taureau par les cornes

L’autre fait notoire de cette 6e semaine, concerne Louis Burton, 8e au classement. Victime de problèmes techniques à répétition (pilote automatique, rail de grand voile cassé en haut du mât, J2 et petit gennaker inutilisables) le skipper de Bureau Vallée 2 prend la décision de se détourner vers l’île Macquarie, réserve naturelle où l’on ne peut accoster, située par 55 degrés sud, 600 milles dans le sud-est de la Nouvelle-Zélande. Il y parvient le 20 décembre et réussira un véritable exploit.

Louis Burton (Bureau Vallée 2) le 20 décembre au matin : " C’est exceptionnel, l’île est sortie de la brume, je l’ai vue au dernier moment. C’est vraiment le bout du monde. Si les conditions sont réunies, je pense qu’en deux heures, ça sera bon pour les réparations. J’ai hésité à abandonner et à me dérouter vers la Nouvelle-Zélande mais je me suis dit qu’il fallait que je tente ma chance ».


Dans le texte suivant mis en ligne le dimanche 20 décembre, Dominic Bourgeois analyse la semaine sous l’angle stratégique et météorologique.

Un Océan pas si Pacifique

Déjà un mois et demi en mer et un nouveau leader s’est imposé à l’entrée du plus grand des océans de la planète Terre : Yannick Bestaven a franchi la longitude du Sud de la Tasmanie jeudi dernier et n’a depuis, jamais quitté la tête de course. Un changement majeur puisque ce week-end, le trio leader est passé sous les îles de la Nouvelle-Zélande pour s’engager en vue des 4 000 milles qu’il reste à courir vers le cap Horn. Mais à ce stade, c’est un océan pacifique dans un premier temps, qui s’annonce pour les premiers, mais agressif pour leurs poursuivants ce qui pourrait provoquer une nouvelle césure dans la flotte…

Tout le monde n’aura pas les mêmes conditions météorologiques ! C’était déjà le cas dès le passage du cap Finisterre, puis des Canaries, puis de l’équateur, puis du cap Frio, puis du cap de Bonne-Espérance, puis du cap Leeuwin, puis de la Tasmanie, puis de la Nouvelle-Zélande… Et à la vue des prévisions à moyen terme, c’est de nouveau un « break » qui s’annonce ces prochains jours au sein même du groupe leader.

Certes les trois premiers (et encore, deux d’entre eux risquent de rester sur le carreau !) vont réussir à s’en sortir à coups d’empannages le long de la Zone d’Exclusion Antarctique (qui a d’ailleurs été descendue plus Sud en raison de l’absence de glaces repérées par CLS), mais pour les six « chasseurs », la configuration du Pacifique est loin d’être favorable !

La litanie des avaries

Or c’est surtout au Nord qu’il va falloir regarder attentivement l’évolution météorologique : deux dépressions sont en cours de formation, à mi-chemin entre la Nouvelle-Zélande et l’Amérique du Sud, avec la « volonté » de quitter les tropiques pour se rafraîchir vers les Cinquantièmes Hurlants… Pas bon du tout car c’est contre des vents soutenus, voire même agressifs, que le peloton de tête risque fort de naviguer. L’occasion aussi pour le leader (et peut-être ses deux acolytes) de s’échapper franchement avant même le cap Horn, dont le passage est progressivement reculé au tout début du mois nouveau…

En fait, si les trois premiers bénéficient actuellement d’une brise d’Ouest modérée (15-18 nœuds) qui va perdurer au moins jusqu’à mercredi, c’est bien parce qu’une cellule anticyclonique s’installe sur le 55° Sud, laissant derrière elle, une dépression faire son chemin le long de la Nouvelle-Zélande, une perturbation qui va scinder la tête de flotte en deux, voire en trois… À coups d’empannages successifs le long de la ZEA (Zone d’Exclusion Antarctique), Maître CoQ IV devrait pouvoir passer « à l’arrache » et éviter ainsi la zone de calmes puis les vents contraires qui sont annoncés. En revanche, est-ce que ses deux poursuivants directs (Charlie Dalin et Thomas Ruyant) vont arriver à s’extraire de cette bulle ? La question est essentielle pour la suite du programme…

Car ils ne sont désormais pas très nombreux ceux qui sont à 100% de leur potentiel : si on met de côté Yannick Bestaven et Jean Le Cam (Yes We Cam!), ne restent semble-t-il que Giancarlo Pedote (Prysmian Group), Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family) et peut-être Isabelle Joschke (MACSF). Les autres ont au minimum un foil en vrac (Apivia et LinkedOut), des voiles en sucette (Groupe APICIL) ou des pilotes en carafe (Bureau Vallée 2)… Ce dernier tentait en cette fin de week-end de réparer tous ses soucis techniques derrière l’île de Macquarie, ce qui ne va pas le favoriser pour repartir aux côtés de Maxime Sorel (V and B-Mayenne).

L’été indien dans le Pacifique !

Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) le 19 décembre : " Il fait grand beau, grand soleil, le ciel est bleu azur. On dort beaucoup mieux dans ces conditions. C’est important de récupérer après cet Indien qui a été dur. Nos bateaux sont violents, ultra-violents. Tu es tout le temps contracté, et ça fait du bien de se relâcher un peu».

Certes il fait plutôt beau sous la Nouvelle-Zélande, les températures sont encore acceptables (8°C) et la mer est pour l’instant, apaisée. Mais tout ça n’a qu’un temps : le Pacifique va franchement s’agiter pour le réveillon de Noël dans l’Ouest de la longitude de Chatham. Et ceux qui n’auront pas franchi l’antiméridien à ce moment, pourraient bien se retrouver au près dans une brise musclée et une mer chaotique. C’est d’ailleurs ce qui devrait arriver à Clarisse Crémer (Banque Populaire X) et Romain Attanasio (PURE-Best Western Hotels & Resorts) qui rendent plus de 1 100 milles au leader et qui ne devraient pas avoir le temps d’éviter ce système météo…

Et c’est une bonne opportunité pour Armel Tripon (L’Occitane en Provence) de leur recoller au tableau arrière : poussé par une dépression australienne, le plan Manuard revient très fort sur ses deux prédécesseurs qui n’ont pas d’autre option que de laisser passer le phénomène météo devant leur étrave. Pas la peine de mettre du charbon en ce moment pour les deux solitaires. Et derrière, l’océan Indien ne semble pas instiller de mauvais coup mais il n’y a pas encore d’incomplétude !

Car ce qui est certain, c’est que l’hiver frappe à la porte demain lundi dans l’hémisphère Nord alors qu’il annonce l’été dans l’hémisphère Sud… Ce qui signifie que les jours vont rallonger au-dessus de l’équateur et raccourcir en dessous. Pour faire simple, c’est la nuit la plus longue chez nous, en France métropolitaine, et c’est le jour le plus long au Sud de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Il y a à peine six heures de nuit par 55° Sud, avec en sus un crépuscule et une aube à rallonge sans compter que la glace antarctique reflète le soleil à l’horizon… Et que la Lune en son premier quartier, ne fait que croître jusqu’au 29 décembre !

L’été ne fut pas adorable…

Il ne s’agit donc pas d’incaguer la fureur des flots mais bien de composer avec eux : « après cet hiver infernal… que nous fait que le temps soit sombre, s’il fait soleil en moi, chez toi » nous conte Verlaine. Profiter de cette « pause » anticyclonique pour se préparer à un océan particulièrement tonique ! Car le cap Horn est encore bien loin, même pour les leaders et il faudra probablement attendre la nouvelle année pour voir un monocoque IMOCA flirter avec ce ténébreux caillou.

Y aura-t-il finalement une échappée remarquable à l’issue de cette semaine en tête de gondole ? Et le détroit de Drake ne va-t-il pas s’énerver en fin de mois ? Les chasseurs vont-ils réellement affronter des vents contraires en plein milieu du Pacifique ? Quant aux « Indiens » poussés par les miasmes des dépressions australes, auront-ils enfin ce second souffle que tous attendent avec impatience ? Les réveillons s’annoncent agités, si ce n’est sur l’eau au moins dans les têtes…

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