Un aveu et plein d’envies

Semaine 11 du 17 au 24 janvier

Semaine 11 du 17 au 24 janvier

Il est 12h30 en ce lundi 18 janvier quand Yannick Bestaven, profitant de l’invitation à l’émission quotidienne Vendée Live, lâche sa bombinette au-dessus du peuple de la mer, qui se doutait bien que, chez Maître-CoQ, il y avait un loup : « Il y a beaucoup de choses difficiles pour moi en ce moment. Je n’ai plus un bateau intact depuis le cap Horn. Je me tais sur l’état du bateau, mais j’ai pas mal de soucis techniques. Je préfère le dire aujourd’hui. Je pensais que je pouvais le masquer, mais ce n’est plus le cas ».

© Armel Tripon / Imoca
© /Clément GIRAUD : COMPAGNIE DU LIT / JILITI

Les chiffres
de la semaine !

  • 8 peuvent encore monter sur le podium (à 10 jours de l’arrivée

)
  • 589 milles séparent le leader au 24 janvier, Louis Burton, du 8e, Jean Le Cam (soit deux belles journées de mer…)
  • 80 l’ETA de plus en plus souvent calculée par les routages de Christian Dumard (Monsieur Météo du Vendée Globe)

Lors du passage du cap Horn, Maître-CoQ a été pris dans une grosse dépression ; le bateau y a fait un ‘planté’ qui a balayé toute la plage avant du bateau. « Je n’ai plus de balcon, plus d’enrouleur et il y a certaines voiles dont je ne peux plus me servir. J’ai essayé de réparer au mieux, de tenir, mais j’ai eu besoin de faire beaucoup de changements de voiles, et il y des voiles de petit temps que je ne pouvais pas utiliser. Ça fait partie du Vendée Globe d’essayer d’arriver avec un bateau dans le meilleur état possible ».

Dans son malheur, Yannick Bestaven trouve une source de réconfort : du vent fort est prévu sur l’arrivée, ce qui devrait lui éviter de regretter ses voiles de petit temps. Il conclut : « On est à 10 jours de l’arrivée et on fait avec les moyens du bord ».

80 jours, c’est le temps qui commence à se dessiner pour le vainqueur de cette 9e édition. Un vainqueur, oui, mais qui ? À 10 jours de l’arrivée, le match reste des plus ouverts : ils ne sont pas moins de 8 à pouvoir briguer le titre suprême. Jean Le Cam, qui tente un dernier coup par le nord. Et il a raison : ses 16h15 de temps de compensation ont pris tellement de valeur au fil des jours, d’autant que la flotte a affaire à un imbroglio dépressionnaire.


Un quoi ? Un imbroglio dépressionnaire : au Sud-Est, Charlie Dalin a empanné et navigue désormais sur son foil tribord vaillant ; à l’Ouest, Yannick Bestaven a contourné l’archipel des Açores par le large ; au centre, Boris Herrmann suit le nouveau leader Louis Burton ; et Thomas Ruyant allonge la foulée dans son Sud-Ouest…

Thomas Ruyant (LinkedOut), le mercredi 20 janvier : « J’essaye de ne pas perdre le rythme par rapport aux bateaux près de moi, notamment ceux de Boris (Herrmann) et de Yannick (Bestaven). Je suis à cloche-pied depuis deux mois »

La suite est à retrouver dans le résumé lyrique et prospectif de la semaine.

Premiers de bordée 

(dimanche 24 janvier) : La mer est une onde, une vibration, un frémissement, une trépidation, une oscillation, un tremblement… Comme une musique, elle a ses codes, ses signes, ses rythmes, ses couleurs, ses formes. De la ballade à la rhapsodie, de la sérénade à la symphonie, de l’impromptu à la suite, de la cantate à la toccata ! Brutalemezzo, enlevée, pianissimofortepiccolo : la mer, comme une composition, décline ses tempos et avant de l’interpréter, impose de faire ses gammes, de cent fois sur le piano enchaîner les mêmes notes, d’éviter les couacs et de ne pas se perdre dans la partition…

Les gens d’en mer savent qu’il ne faut pas se désaccorder quand l’océan prend du coffre, quand de son souffle de stentor, il mène une danse wagnérienne aux flots enchevêtrés. À cette école du rythme, cinq solitaires ont pu exprimer toute la richesse de leurs jeux de mains et de marins, après plus d’un demi-siècle d’interprétations et de compositions autour du monde, en orchestre d’équipiers (1973) ou en soliste affirmé (1968). Il leur faut maintenant entamer le final, pour définir qui est le virtuose…

Pip Hare (Medallia) : « Pour la première fois depuis de nombreuses semaines, hier, j'ai barré Medallia et c'était magnifique. J'ai pris une tasse de thé, j’ai mis quelques sons géniaux, et je me suis frayé un chemin à travers les vagues ».

Cinq garçons dans le vent

Le solfège, Charlie Dalin (Apivia) l’a appris non pas au lycée qu’il pratiqua parfois en bémol, mais à l’école d’architecture de Southampton. Déjà il pianotait sur son clavier d’ordinateur, déjà il révisait ses gammes de manager de projet, mais aussi lors des entraînements, l’hiver, où il pointait ses bonnes notes, accordait ses réglages et prenait la baguette pour diriger ses équipages. S’il n’a ni le costume du gestionnaire, ni la carrure d’un rugbyman, Charlie Dalin a l’étoffe d’un héraut du solo. Patient, posé, réfléchi, curieux, polyvalent, cet animal à sang froid, mais au cœur chaud, n’a pas l’habitude d’être expansif, extroverti, volubile. Pas le style rock & roll, plutôt du genre musique de chambre, mezza-voce… tout en allant loin sans ménager sa monture ! Bref, un marin discret, talentueux, déterminé, pluridisciplinaire, lucide, serein et attentionné.

Et si cela fait maintenant plus de deux cents fois qu’il mène le train depuis le départ, le solitaire a tout de même dû passer la main pour que le Malouin Louis Burton (Bureau Vallée 2) revienne d’abord par l’extérieur de l’anticyclone lors de la longue remontée des alizés de l’hémisphère Nord, puis en naviguant plus proche de l’archipel des Açores pour recroiser sa route au large de São Miguel. Il n’en est pas moins sous la pression de ses poursuivants, poursuivants qui « s’effilochent » au jour le jour puisque de neuf, les prétendants au podium ont progressivement lâché la rame, n’étant plus que sept dans le virage des Canaries, puis cinq à la station Açores. Bref la « locomotive » n’a plus qu’un tender (Boris Herrmann) et deux wagons (Charlie Dalin et Thomas Ruyant) accrochés à ses basques, auquel il faut ajouter Yannick Bestaven optant pour le large dès samedi soir…

Louis Burton (Bureau Vallée 2), lundi 18 janvier : « Je suis à l’attaque autant que je peux, c’est un vrai jeu stratégique avec la négociation de l’entrée dans la dépression, la dorsale à passer, l’arrivée dans le Golfe de Gascogne... »

Mais au fil des milles, les marins fatigués et les machines entamées n’ont plus le même potentiel : certes il va falloir creuser l’écart sur ces derniers jours de course, alors qu’il reste encore un millier de milles à avaler, d’abord au large des Açores dans un flux de Sud-Ouest d’une vingtaine de nœuds, puis devant l’Espagne dans un souffle d’Ouest d’une quinzaine de nœuds en début de semaine, et de nouveau dans une coulée de Sud-Ouest modéré butant sur une masse nuageuse avant la Vendée mercredi… Les routages divers et variés, les modèles météo européens et américains n’arrivent toutefois pas à déterminer réellement quelle route les leaders vont suivre et qui sera le premier à apercevoir la bouée Nouch Sud !

Ce qui semble certain, c’est qu’il faudra deux à cinq empannages avant de voir la Vendée et que les arrivées s’annoncent en rafale, ce qui ne simplifie pas la donne puisque Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Club de Monaco) et Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) disposent d’une bonification pour la participation au sauvetage de Kevin Escoffier. Quant aux suivants, même si l’arrivée d’une belle dépression est programmée pour mercredi midi au large du golfe de Gascogne avec un beau flux de Sud-Ouest jusqu’à 30 nœuds, ils ne devraient pas revenir dans le match suffisamment pour inquiéter les leaders : Jean Le Cam (Yes We Cam!) ne pourrait donc pas monter sur le podium final si tout se déroule comme annoncé, même avec 16h15 de bonification…

Dans quel état sont les montures ?

Mais la donnée qui fait défaut sur ce rush final, c’est bien l’état des monocoques, non seulement structurellement (foils, gréement, cordages, systèmes…) mais aussi au niveau des voiles dont disposent les skippers. Et aussi quel est l’état de fatigue des solitaires qui vont se présenter devant le golfe de Gascogne ? Il ne s’agit pas seulement de lucidité, mais aussi de réactivité, de capacité à manœuvrer vite et bien… Tous n’ont pas connu la tension des derniers milles d’une Solitaire du Figaro, mais tous savent gérer ce sprint qui demande d’extraire les dernières parts d’énergie qui se nichent au plus profond des corps.

Il faut aussi s’attendre à ce que les skippers se voient, au moins à l’AIS (système de positionnement par radio VHF), ce qui définit une portée de dix milles environ. Et dans ce cas, la multiplication des données fournies permettra aux navigateurs de mieux appréhender le comportement de leur concurrent… On sait Burton déterminé, on sait Dalin percutant, on sait Ruyant incisif, on sait Herrmann observateur, on sait Bestaven rageur : il ne faut donc pas imaginer que l’un ou l’autre lâche le morceau, surtout que non seulement la victoire se joue dans ces derniers milles, mais aussi les places sur le podium ! Il n’y aura aucun relâchement jusqu’aux Sables-d’Olonne…

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