Le point de bascule

Semaine 5 du 06 au 13 décembre

Semaine 5 du 06 au 13 décembre

On ne sait pas tout de ce qu’il y a dans son assiette, mais pour ce qui concerne la navigation et son bateau, Louis Burton n’est pas friand de conservateurs. Le Francilien naturalisé Malouin se démène depuis des semaines, tentant des coups, jouant avec les limites de sa résistance, celles de sa machine et… celles du plan d’eau. Investi d’une mission, Louis fonce baïonnette au canon, avec la science des angles d’un sniper et l’énergie du fantassin. S’il s’use, c’est surtout à combattre les problèmes de pilote automatique de Bureau Vallée 2, qui font peser sur sa course une réelle menace. Malgré tout, Louis s’est emparé de la deuxième place sur la route des Kerguelen, pour se glisser entre Charlie Dalin et Thomas Ruyant.

En ce 6 décembre, Kevin Escoffier a sauté dans les eaux de l’Indien pour rejoindre le canot qui doit l’amener à bord du Nivôse, la frégate de la Marine Nationale qui fraie et surveille les terres françaises de la région, et qui s’est déroutée pour lui porter secours. Jean le Cam, qui l’a hébergé six jours, n’a pas détesté avoir de la compagnie…

© /Charlie DALIN : APIVIA
© Maxime Sorel (V and B Mayenne)

Les chiffres
de la semaine !

  • 13500 Milles restants au 13 décembre pour Charlie Dalin (au passage du cap Leeuwin)
  • 25 Place de Jérémie Beyou (qui double son premier concurrent le 13 décembre)
  • 6 ème à abandonner (Fabrice Amedeo, en panne totale d'ordinateur)
  • 6 Place de Benjamin Dutreux (dans le tableau arrière de Damien Seguin)

Tous évoquent les conditions de mer, « comme dans les films », raconte Clarisse Crémer, à l’opposé de Maxime Sorel, qui ne doit pas passer de temps devant son écran puisqu’il avoue : « Je n’ai jamais vu une mer comme cela ». « Me voici au royaume du gris », dit Fabrice Amedeo.

La semaine parle également d’une tempête de tous les dangers pour Charlie Dalin, du calvaire de Stéphane le Diraison, du jet lag de Thomas Ruyant et, le 11 décembre, de l’abandon forcé de Fabrice Amedeo qui, après avoir vu le « royaume du gris », broie du noir devant ses écrans qui se sont éteints, ne se rallumeront plus, l’empêchant de reprendre le fil de sa course dans ces conditions de sécurité décentes. Le 11 décembre, enfin, Jérémie Beyou n’est plus dernier. « En passant près de moi à vive allure, il m’a enrhumé », imagera Sébastien Destremau.

Fabrice Amedeo (Newrest – Art&Fenêtres) : « J’ai de gros problèmes d’informatique ! Pour l’instant, je suis abasourdi et je fais le point. C’est une décision dure ! Je fais face à ce problème et il faut que je me positionne par rapport à ma sécurité ». 

Nous vous proposons de retrouver ci-dessous l’article qui faisait la jonction entre cette 4e semaine de course et la 5e, publié le 13 décembre. 

Breaker n’est pas gagner

Alors que le leader, Charlie Dalin, a franchi la longitude du cap Leeuwin ce dimanche midi (12h25 heure française), le point extrême de la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA) définie par les services de sécurité australiens, apparaît comme un moment crucial de ce neuvième Vendée Globe. Après cinq semaines de course, un trio est en train de faire le break avant d’entrer dans le Pacifique !

C’est la ouate qu’on préfère ! Et c’est le waouch qui émerge… Tout le monde s’est posé des questions quant à l’intégrité du monocoque de Charlie Dalin : Apivia avançait comme une balle, puis rétrogradait comme une bûche. La faute à de hautes pressions mal venues semble-t-il puisque le leader a retrouvé la niaque, et file grand vent vers le point le plus extrême de la ZEA, la Zone d’Exclusion Antarctique définie, à ce niveau, par le MRCC australien : moins de 1 000 milles d’un lieu de sécurité maritime.

De fait, il devient difficile d’assurer que le premier est premier car le Jury International n’a pas encore rendu son « verdict » quant aux minutes et aux heures déduites du temps de course pour le sauvetage de Kevin Escoffier : quatre bateaux sont concernés mais l’un d’entre eux est « abandon » : celui de Sébastien Simon (ARKEA PAPREC). Reste donc Jean Le Cam (Yes We Cam!) qui a participé activement à la récupération du skipper et qui devrait donc avoir le maximum de temps de compensation, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), moins impacté mais tout de même, et Boris Herrmann (SeaExplorer-YC de Monaco).

Jean le Cam (Yes We Cam !) : « Tu es en solitaire, tu vas chercher quelqu’un et tu es en double pendant une semaine. Puis, de nouveau, tu reviens en solitaire. Ce ne sont pas des passages évidents ».

Ce qui signifie que le classement reste « virtuel », et même si le Jury International doit rendre sa copie prochainement, cela devrait durer jusqu’à l’arrivée aux Sables-d’Olonne. Pas la peine alors de faire des calculs ‘savants’, puisqu’une journée de mer peut passer de 500 milles quotidiens (voire plus) à 200 milles (voire moins), selon que le vent est bien ou mal orienté, fort ou faible…

Un Indien contraire…

Alors que s’est-il passé depuis le cap de Bonne-Espérance ? Certains diront que l’océan Indien n’est plus ce qu’il était, d’autres que les voies du Seigneur sont impénétrables, des troisièmes que le Vendée Globe est une course et que les conditions météorologiques importent peu. Certes, mais force est de constater que le vainqueur 2017 du Vendée Globe était au 36ème jour de course sous la Nouvelle-Zélande, quand le leader actuel vient tout juste de déborder le deuxième cap de ce tour du monde. Charlie Dalin (Apivia) aura ainsi mis 34 jours 22 heures 05 minutes pour atteindre cette longitude, soit six jours de plus qu’Armel Le Cléac’h en 2016 (28j 20h 12’), mais quasiment comme le vainqueur de 2012, François Gabart (34j 10h 28’).

Sachant que ce cap Leeuwin ne signifie pas grand-chose sur un tour du monde (en solitaire ou pas), sachant que le leader actuel est tout de même passé à plus de 600 milles dans son Sud, sachant que ce promontoire est loin d’être la sortie de l’océan Indien, le deuxième cap du Vendée Globe a peu d’importance à ce stade de la course… C’est plutôt la suite qui pourrait changer la face de l’épreuve puisque le point par 46° Sud et 120° Est pourrait provoquer une sacrée fêlure dans le groupe de tête ! Or si l’océan Indien n’a pas été de tout repos pour la plupart des solitaires qui ont alterné vents portants, tempête australe, hautes pressions et surtout brises instables, mers hachées et ciels plombés, la fin de cette « mer australe » semble nettement plus paisible… Trop même pour certains !

Charlie Dalin (Apivia) : « Je suis encore un peu fatigué de ma nuit de tempête (entre mardi et mercredi) J’étais vraiment à la limite, il y a eu quelques heures assez tendues. L’écran était rouge écarlate coloré avec la force du vent. J’ai même enlevé le vent parce que c’était trop anxiogène ».

La vitesse de libération

Sans se référer au sociologue-philosophe Paul Virilio, force est de constater que les écarts minimes de ces deniers jours pourraient fort bien devenir des césures impossibles à combler… Car si la dépression australienne qui déboule du Sud d’Albany va bien tirer vers la Nouvelle-Zélande les premiers de cordée, elle laisse dans son sillage l’anticyclone des Mascareignes qui prend ses aises à l’orée de l’été austral ! La porte se ferme dès mardi matin devant les étraves des « chasseurs », les huit solitaires qui tentent de revenir sur la tête de la flotte depuis plusieurs jours.

Car au Nord comme Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family) ou au Sud tel Louis Burton (Bureau Vallée 2) ou au centre comme Damien Seguin (Groupe APICIL) et Jean Le Cam (Yes We Cam!) ou un peu distancé tel Maxime Sorel (V&B-Mayenne), il ne semble pas y avoir de solution avec plus de 250 milles, voire 550 milles de débours face au leader… Les trois premiers vont réussir à passer le point, emportés par un flux de Sud-Ouest modéré associé à une dépression australienne, les autres vont basculer dans le petit temps. La bulle prévue va engluer les poursuivants !

L’Indien ne fait pas de cadeaux…

Il y a une semaine, trois abandons étaient à déplorer et sept jours plus tard, c’est un nouveau solitaire qui jette l’éponge (Fabrice Amedeo), mais cela ne fait que 18% sur le bord du chemin… Un chemin plein d’instabilité car tous les solitaires ont fait part de cette particularité de l’océan Indien : des vents très irréguliers en force et en direction qui provoquent moult interrogations et parfois des départs au tas spectaculaires.

Mais l’un des plus rapides ces derniers temps n’est autre que Jérémie Beyou : le skipper de Charal n’est plus en queue de flotte depuis le cap de Bonne-Espérance et même s’il concède plus de 3 600 milles au leader, il peut encore espérer rapidement dépasser les quatre solitaires qui le précèdent à une centaine de milles (Shiraishi, Barrier, Merron, Giraud) et même imaginer déborder le trio Cousin-Costa-Hare qui peine dans une bulle anticyclonique, qu’ils vont avoir du mal à lâcher ces prochains jours, à moins d’accrocher le dos d’une dépression venue de Madagascar mardi.

Bref, l’embouteillage prévu sous l’Australie n’aura pas lieu et le fait que la Direction de Course (en accord avec CLS) ait pu redescendre la ZEA avant la Tasmanie est une bonne ouverture pour le groupe de tête. Les trois premiers devraient prendre la poudre l’escampette dans un flux de Sud-Ouest modéré alors que les huit poursuivants devraient s’enferrer dans une bulle, justement à ce point extrême par 43° Sud et 120° Est… Mais attention : la Nouvelle-Zélande a souvent été un lieu de retournements de situation !

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