Au 69e jour…

Semaine 10 du 10 au 17 janvier

Semaine 10 du 10 au 17 janvier

Il y a quelque chose d’étrange à constater qu’en fin de cette 10e semaine, le jour même où - s’il avait dit vrai avant le départ -, Alex Thomson aurait fini son dernier jour de nourriture, la tête de la flotte franchissait l’équateur dans le sens du retour.

En ce 69e jour de course, donc, Louis Burton tient la pôle au pot, et ce n’est pas une mince surprise tant le skipper de Bureau Vallée 2 a dû batailler pour sauver sa course dans les mers du sud. Le Malouin ne tiendra sa position qu’un instant, un instant à valeur de postérité, parce que Charlie Dalin (Apivia) n’aura pas tardé à remettre la main sur l’objet de tous ses sacrifices : la première place.

À l’autre bout de la course, la veille, Sébastien a fermé le bureau à double tour, l’âme lourde. Lui qui s’est si souvent dit au bord de l’abandon, dès les premiers jours de course, n’aura pas réussi à chasser le mauvais présage, après un dernier merci dont la théâtralité masquait la douleur.

© Charlie Dalin / Apivia

Les chiffres
de la semaine !

  • 69 en jours - le chrono au retour à l’équateur du leader, Louis Burton (Bureau Vallée 2)
  • 8 jours en plus par rapport à la 8e édition, pour voir la flotte revenir dans l’hémisphère nord
  • 7 abandons sur ce Vendée Globe, après celui de Sébastien Destremau (Merci)

Rouvrir la gazette de la semaine permet de se remémorer que Benjamin de Rothschild, grand amoureux et grand soutien de la course au large, s’en est allé ; que Romain Attanasio (Pure – Best Western), qui s’est blessé aux côtes en début de semaine, a retrouvé de l’eau dans sa cale à la fin ; qu’Alan Roura, dont la quille est en position fixe, serre autant les dents que les fesses dans la session de navigation au près, mais qu’il a passé son 2e cap Horn en course à 27 ans ; que Stéphane le Diraison (Time for Oceans) a vu déferler « des immeubles » sur son bateau ; que Pip Hare a tout pigé de l’Imoca et qu’elle défend sa 17e place ; que Sam Davies, hors course, a rejoint Ari Huusela au point Nemo ; que Tigrou 26120 a remporté le Vendée Globe virtuel ; qu’il s’appelle Jean-Claude Goudon pour de vrai ; qu’on ne sait toujours pas pourquoi Yannick Bestaven, leader au cap Horn, est 6e.

Pip Hare (Medallia) : « Naviguer près du cap Horn après cette terrible journée a été le remontant dont j'avais besoin. C'était incroyable de le voir de près. Les caps sont nommés à l'envers : celui-ci m'a apporté de l'espoir ».

L’histoire de cette semaine, nous vous proposons de la retrouver sous la plume de Dominic Bourgeois. Il est question de tout ceci, mais aussi de bilboquets, de perruques et de mignons.

La problématique du bilboquet

(Dimanche 17 janvier) : Dernière ligne courbe pour les leaders du Vendée Globe : si Louis Burton fut le premier à atteindre l’Atlantique Nord, rien ne semble préjuger du final qui doit encore prendre en compte, une sortie du pot au noir, trois à quatre jours d’alizés, une dorsale à traverser, une dépression à accrocher, un golfe de Gascogne agité… et des bonifications à intégrer ! Jamais un tour du monde en solitaire sans escale n’a été aussi disputé jusqu’à l’arrivée.

Qu’il soit japonais (Kendama), mexicain (Balero), salvadorien (Capirucho), colombien (Ticayo) ou indien, le principe du bilboquet reste le même : il faut mettre le trou de la boule dans la tige... Il se dit que le jeu était prisé du dernier roi de la dynastie des Valois, Henri III entouré de ses mignons, de sa reine, Louise de Lorraine-Vaudémont, et de sa mère, Catherine de Médicis. Mais si l’adresse était mise en valeur au 16ème siècle, il en est de même pour traverser ce « tunnel » aux formes oblongues que même les météorologues les plus pointus ont bien du mal à cerner. Et comme le bilboquet, il ne faut pas manquer de dextérité pour trouver le trou qui permet de le transpercer…

L’abordage d’une masse fluctuante et poisseuse…

Alors, comment aborder un pot au noir dont les humeurs sont aussi imprévues que les décisions d’un Charles VI le Fou ? Les leaders de ce Vendée Globe peuvent s’arracher les cheveux, il faut parfois se tirer une balle dans le pied pour mieux prendre la tangente… Bref, il n’y a rien d’écrit lorsqu’il faut s’immiscer dans ce magma nuageux qui n’offre aucun signe distinctif ! Le nuage de devant peut être bien sombre, ce n’est pas pour cela qu’il cache des surprises. Celui de derrière à l’allure légère et au teint de damoiselle de compagnie, pourrait pourtant s’enrouler en déversant un déluge d’eau, puis une rafale de calmes…

C’est un lieu qui n’a pas d’équivalent dans le monde : une zone d’incertitudes certaines, un conglomérat de risques importuns, une parade qui défile ses impromptus, un concert d’accords dysharmoniques. Bref, il n’y a pas de règles, pas de loi, pas de construction, pas de fondements, pas de principes convenants. Le pot au noir est un cas d’école ! La seule chose qui semble se dégager de ses nombreuses traversées, c’est qu’il vaut mieux aller tout droit, perpendiculairement à l’équateur et ne pas chercher à changer de cap, soit plein Sud pour « descendre » vers le Brésil, soit plein Nord pour « remonter » vers les Açores.

Clarisse Crémer (Banque Populaire), le 14 janvier : « J’ai du mal à revenir de la vie sauvage. Je suis abonnée à lemonde.fr, mais depuis quelque temps, j’ai l’impression que c’est une autre planète… »

Mais bon : tous les commentaires de canapé n’ont pas trop lieu d’être face à la réalité (c’est peut-être pour cela que les « virtuels » en ont fini avant les « réels »…). Mais au cœur de la situation, les solitaires sont heureusement les mieux à même d’expliquer leurs écarts. Certains ont obliqué à gauche, d’autres à droite, d’autres à gauche puis à droite, d’autres encore à droite puis à gauche, d’autres enfin sont allés tout droit… Bref ce pot au noir qu’on croyait peu marqué et peu développé pourrait finalement être bénéfique aux deux monocoques IMOCA décalés de 200 milles plus au Sud. Car ça se dispatche après l’équateur entre le 34° et le 31°50 Ouest, comme un éventail avec des changements de cap qui montrent bien que la porte d’entrée n’anticipe pas le couloir…

En fin de journée de ce dimanche et en pointe, Louis Burton ne semblait pas loin de s’extirper du marasme, Charlie Dalin apparaissait plus à l’Est, Boris Herrmann et Thomas Ruyant hésitaient tandis que Yannick Bestaven se recadrait. Et un peu en retrait, Damien Seguin et Giancarlo Pedote obliquaient vers le Nord-Est alors que Jean Le Cam et Benjamin Dutreux filaient chacun de leur côté. C’est dire si l’expectative était de mise ! Et ce pot au noir qu’on pensait avaler en une demi-journée, semble jouer les prolongations en ce soir de dimanche… Peut-être en saura-t-on plus lundi matin…

Jean Le Cam (Yes We Cam!) : « On est dans la meilleure position qu’il soit : on est le chasseur. Les 'exploreurs' sont devant ; nous pouvons faire nos choix en fonction. On n’a rien à perdre, tout à gagner ».

Une semaine pleine de rebondissements !

Car côté bouleversements, en sept jours, bien des choses ont changé sur le plan d’eau : Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) avait dimanche dernier plus de 200 milles de marge sur Charlie Dalin (Apivia), près de 350 milles d’écart face à Louis Burton (Bureau Vallée 2) et quasiment 500 milles d’avance sur Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Club de Monaco)… La suite semblait donc découler, mais voilà que le « front froid permanent » du Cabo Frio a tout chamboulé ! Le leader s’est enferré dans des calmes quand ses poursuivants ont pu bordurer l’une des nombreuses cellules de l’anticyclone de Sainte-Hélène pour contourner l’obstacle et prendre le commandement. Et au large de Salvador de Bahia, il y avait ainsi neuf prétendants à la victoire finale, espacés d’à peine 200 milles… Alors qu’il n’en restait plus de 4 000 à avaler !

Et depuis dimanche dernier, dix solitaires ont franchi le cap Horn ! Il ne reste ainsi plus que deux skippers en course dans le Pacifique puisque Sébastien Destremau (merci) a jeté l’éponge en Nouvelle-Zélande après bien des déboires techniques. Le Finlandais Ari Huusela (STARK) est désormais la lanterne rouge, 200 milles derrière Alexia Barrier (TSE-4myplanet), elle-même 150 milles dans le sillage de Sam Davies (Initiatives Cœur) hors-course depuis Cape Town.

Normalement, ces trois solitaires devraient en finir avec les mers du Sud dès le week-end prochain, car une belle dépression les pousse vers la sortie ! Et si le temps de référence d’Armel Le Cléac’h en 2017 (74j 03h 35’ 46’’) ne sera certainement pas battu pour cette neuvième édition, il est quasiment acquis que le dernier de cette édition passera le cap Horn bien avant les 84 jours et demi de l’édition 2016 (Sébastien Destremau)… Finalement, la flotte est bien moins dispersée qu’elle ne l’était il y a quatre ans !

Passages à l’équateur (heures françaises)

  1. Bureau Vallée 2 (Louis Burton) samedi 16 janvier à 20h11' en 69 jours 05 heures 51 minutes
  2. Apivia (Charlie Dalin) samedi 16 janvier à 21h11' en 69j 06h 51', soit 59' après le leader
  3. Seaexplorer - Yacht Club de Monaco (Boris Herrmann) samedi 16 janvier à 21h49' en 69j 07h 29', soit 1h 37' après le leader et 37' après Apivia
  4. LinkedOut (Thomas Ruyant) dimanche 17 janvier à 00h06' en 69j 09h 46', soit 3h 54' après le leader, soit 2h 16' après Seaexplorer-Yacht Club de Monaco
  5. Maître Coq IV (Yannick Bestaven) dimanche 17 janvier à 3h36' en 69j 13h 16', soit 7h 24' après le leader, soit 03h 30' après LinkedOut
  6. Groupe APICIL (Damien Seguin) dimanche 17 janvier à 6h47 en 69j 16h 27’ soit 10h 35’ après le leader, soit 03h 10’ après Maître CoQ IV
  7. Prysmian Group (Giancarlo Pedote) dimanche 17 janvier à 10h13’ en 69j 19h 53’ soit 14h 01’ après le leader, soit 3h 25’ après Groupe APICIL
  8. Yes We Cam! (Jean Le Cam) dimanche 17 janvier à 14h14’ en 70j 00h 54’ soit 19h02’ après le leader, soit 5h00’ après Prysmian Group
  9. OMIA-Water Family (Benjamin Dutreux) dimanche 17 janvier à 14h 20’ en 70j 01h 00’ soit 19h 08’ après le leader, soit 06’ après Yes We Cam!

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