Noël au charbon

Semaine 7 du 20 au 27 décembre

Semaine 7 du 20 au 27 décembre

Le 27 décembre, à la veille de son 48e anniversaire, à quelques encablures du point Nemo – l’endroit sur l’océan le plus éloigné de toute terre -, Yannick Bestaven peut se réjouir. Il compte désormais 100 milles d’avance sur son dauphin Charlie Dalin. Et ce n’est qu’un début…

© Kojiro Shiraishi / DMG Mori Global One
© Stephane Le Diraison / Time For Oceans

Les chiffres
de la semaine !

  • 3 le nombre d’ascensions de Louis Burton dans son mât à Macquarie
  • 2 le nombre de baleines qui ont accompagné Damien Seguin le 24 décembre
  • 1 hors course, Sam Davies a doublé son premier concurrent 

Cette 7e semaine se déroule sous l’empire d’une météo complexe. Dans le Pacifique, les bulles anticycloniques commencent à s’effacer au profit de systèmes dépressionnaires, plus habituels par 50/55 degrés Sud, et il faut anticiper. C’est aussi la semaine des fêtes de Noël. Où les solitaires découvrent les petites attentions glissées par leur famille, leurs amis, leurs équipes, à l’instar du « magnifique » pull jacquard orné de rennes, d’angelots et de flocons à leds clignotants d’Armel Tripon. C’est l’occasion de s’amuser un peu en tenue de Père Noël, de s’offrir un repas de gala, d’égayer les habitacles monacaux avec quelques guirlandes de papier qui seront vite rangées.

Benjamin Dutreux le 22 décembre : « Cher père Noël, je voudrais que tu négocies avec le Dieu du vent un anticyclone qui glisse vers le Sud assez vite... si tu peux aussi lui demander que les deux prochaines dép' ne soient pas trop fortes... »

Pourtant, le 25 décembre, à l’heure où les terriens terminent peut-être (et en petit comité) les restes de dinde aux marrons, les marins, eux, sont toujours au charbon.

Où sont-ils en ce jour de célébration qui les plonge parfois un peu plus en solitude ?

Damien Seguin le 24 décembre : « J’ai eu mon cadeau de Noël ! Pendant cinq minutes, j’ai vu deux baleines à dix-vingt mètres du bateau qui m’ont escorté. Ce sont des animaux tellement grands, tellement impressionnants : j’ai les larmes qui sont montées aux yeux, un spectacle formidable ! »

Aux avant-postes, au beau milieu du Pacifique, Charlie Dalin a repris provisoirement la main pendant que Yannick Bestaven pointe vers le Nord pour éviter les vents faibles d’une bulle anticyclonique. Derrière, Thomas Ruyant, obligé de grimper encore plus Nord, accuse le coup. Il perd du terrain sur un groupe de chasseurs toujours aussi compact, fermé par le 11e, Louis Burton, héros du début de cette 7e semaine. Le skipper de Bureau Vallée 2 a réussi son tour de force et réparé ses avaries à l’abri des îles Macquarie. Le reste de la flotte est réparti en 4 groupes + 1.

  1. À 400 milles de Bureau Vallée 2, Armel Tripon revient dans les rétroviseurs de Clarisse Cremer et Romain Attanasio.
     
  2. Dans le sud de La Tasmanie, Alan Roura, Arnaud Boissières et Pip Hare sont sur le point de célébrer leur entrée dans le Pacifique.
     
  3. Le 25 décembre, le groupe Le Diraison, Beyou, Costa et plus loin Shiraïshi / Cousin n’a pas encore changé d’océan, et navigue dans des conditions ventées. Noël est d’ailleurs une journée « fast » pour le skipper de Charal qui s’offre sa meilleure moyenne sur 24 heures : 19,9 nœuds !
     
  4. Dans le sud-ouest de l’Australie, Miranda Merron mène l’ultime peloton, talonnée par Clément Giraud. Tous deux s’apprêtent à franchir le cap Leeuwin. 24 et 48 heures plus tard, ils seront imités par Alexia Barrier et Ari Huusela.
     
  5. Enfin, dans le nord-est des Kerguelen, Sébastien Destremau, sacrément distancé, commence à se demander sérieusement s’il est bien raisonnable de continuer la course avec des pilotes automatiques totalement défaillants.
Clarisse Crémer le 24 décembre : « J’ai passé l’antiméridien il y a une douzaine d’heures, donc si on prend l’heure des gens qui vivent à ma longitude, pour eux on est le 24 au soir. Donc je peux encore fêter Noël pendant 24h ! »

Dans ce texte publié le 27 décembre, au terme de cette 7e semaine, Dominic Bourgeois met en relief l’énorme bagarre qui oppose les 11 concurrents de tête et rend hommage aux anciens IMOCA qui ont encore de très beaux restes.

Combat de Coques

Yannick Bestaven a non seulement repris la main, mais il a désormais fait le break avec le groupe des chasseurs. Seul Charlie Dalin lui tient tête, avec toutefois cent milles de retard et une position qui l’oblige à tirer des bords à la limite de la ZEA. Mais le cap Horn se mérite et Maître CoQ IV a encore 2 000 milles à parcourir, d’abord à l’arrière de la dépression qu’il est allé chercher dans le Nord, puis devant un méchant coup de vent qui pourrait créer des problèmes le week-end prochain…

À peine cinquante jours de mer et que de pronostics aux Sables d’Olonne ont coulé dans les abysses de la réalité ! Alors qu’il reste encore plus de 9 000 milles jusqu’à la ligne d’arrivée, alors que le leader actuel n’a même pas débordé le bout du bout du monde, faut-il jauger dès à présent la bataille qui fait rage dans les profondeurs d’un Pacifique en cours d’agitation ? Car ne nous leurrons point : la pause estivale est bien finie…

Le plus grand océan du monde va dès demain lundi retrouver sa patine : une succession de dépressions qui déboulent de la Nouvelle-Zélande pour s’exploser sur la cordillère des Andes ou pour déraper avec violence dans le détroit de Drake, le maigre passage entre la Patagonie et la Terre de Graham, 450 milles plus au Sud… Et encore ! Avec la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA), ce n’est plus qu’un couloir de 80 milles qui s’offre aux solitaires du Vendée Globe en début d’année. Il faut donc que le ciel soit favorable pour franchir cet entonnoir fort peu engageant.

Coques en stock

Or force est de constater que les « anciens » ont encore de quoi en remontrer : des huit nouveaux prototypes aux foils extravagants, seuls deux se retrouvent aux avant-postes et encore sont-ils handicapés, l’un par une cale basse remplacée (Apivia, 2ème), l’autre par un foil tronqué (LinkedOut, 3ème à plus de 340 milles).

Depuis le départ le 8 novembre dernier, CORUM L’épargne a démâté (Cap-Vert), HUGO BOSS et ARKEA PAPREC ont percuté un ofni (Cape Town), et tous trois ont abandonné. Charal a dû rentrer aux Sables d’Olonne et en est reparti avec dix jours de retard, L’Occitane en Provence a perdu énormément de terrain dès l’Espagne, DMG MORI Global One a désormais une grand-voile rafistolée… Bref le bilan des prototypes de dernière génération n’est pas très engageant !

Et c’est un monocoque IMOCA de 2015, sistership du dernier vainqueur du Vendée Globe, qui mène le bal aux confins du Pacifique : Maître CoQ IV n’est autre que Safran 2 qui était mené par Morgan Lagravière lors de la dernière édition. Tandis que dans le peloton des chasseurs, on retrouve Yes We Cam! (ex-Foncia, vainqueur du Vendée Globe 2009, ex-Mapfre 2ème de la Barcelona World Race 2011, ex-Cheminées Poujoulat vainqueur de la Barcelona World Race 2015, ex-Finistère Mer Vent 6ème du dernier Vendée Globe), mais aussi Groupe APICIL (ex-DCNS, ex-Comme un seul homme 9ème du dernier Vendée Globe), V and B-Mayenne (ex-Groupe Bel, ex-Le Souffle du Nord) et OMIA-Water Family (ex-Véolia Environnement vainqueur de la Route du Rhum 2010, ex-Hugo Boss 3ème du Vendée Globe 2013). Tous quatre dotés de dérives droites…

Et autour d’eux pointent aussi SeaExplorer-YC de Monaco (ex-Gitana 16), MACSF (ex-Safran), tous deux dotés de nouveaux foils, Prysmian Group (ex-St Michel Virbac) et Bureau Vallée 2 (ex-Banque Populaire VIII) dans la même configuration qu’en 2016 comme Maître CoQ IV. Comme quoi, c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe… Car c’est très probablement dans ce groupe de onze bateaux que le podium va désormais se dessiner !

Des appendices qui font débat !

Or à l’exception de l’édition 2004 où Vincent Riou s’imposait sur l’ancien prototype de Michel Desjoyeaux (PRB), les sept autres Vendée Globe ont toujours vu un bateau de dernière génération s’imposer aux Sables d’Olonne… Alors que faut-il penser de l’évolution radicale qui a marqué cette édition ? Il y a quatre ans, les foils apparaissaient avec l’idée que s’ils n’étaient pas concluants ou s’ils se rompaient en cours de route, la carène permettait de finir la course, voire de la remporter (et Alex Thomson fut dans ce cas pour terminer deuxième !).

Fort de cette expérience, les concepteurs ont mis la barre plus haut en imaginant des appendices encore plus porteurs au point que les monocoques IMOCA « volent » ! Seulement voilà : avec une Zone d’Exclusion Antarctique relevée, une météo particulière et un faible taux d’abandons (lié à des préparations nettement plus élaborées), les conditions favorables au « vol » n’ont pas été au rendez-vous, du moins pas suffisamment pour l’instant, ou pas au bon moment, ou pas pour le bon bateau… De fait, les solitaires essaiment sur les océans en petits groupes : à l’avant avec onze prétendants, au milieu avec deux trios, à l’arrière avec cinq skippers et en queue avec quatre marins.

Un premier bilan après l’Amérique du Sud…

Thomas Ruyant le 25 décembre : « C’est un matin de Noël particulier, j’ai du mal à m’en sortir.  Je suis bien lucide sur la situation dans laquelle je suis. Devant Yannick (Bestaven) et Charlie (Dalin) vont se barrer, ils auront un bon matelas d’avance au cap Horn ».

Ce n’est donc vraiment qu’après le cap Horn (qui devrait être franchi le week-end prochain) que la présence de foils devrait pouvoir s’exprimer. Sur une mer moins tordue et avec des vents moins instables, ces appendices pourraient créer enfin le différentiel attendu par les simulateurs.

Mais à ce jour, rien n’indique un bonus majeur, car les seuls bateaux en avant de la flotte ayant conservé leur potentiel à quasiment 100% se comptent sur les doigts de la main : Maître CoQ IV (plan VPLP-Verdier à foils de 2014), SeaExplorer-Yacht Club de Monaco (plan VPLP-Verdier de 2015, avec des foils 2020), Yes We Cam! (plan Farr de 2006 perpétuellement optimisé), Groupe APICIL (plan Finot-Conq de 2007, amélioré en 2020), MACSF (plan VPLP-Verdier de 2007, doté de foils en 2020) et Prysmian Group (plan VPLP-Verdier de 2015 à foils).

Auxquels il faut ajouter certains qui ont connu des déboires techniques plus ou moins résolus comme V and B-Mayenne (plan VPLP-Verdier de 2007), OMIA-Water Family (plan Farr de 2007) et Bureau Vallée 2 (plan VPLP-Verdier de 2015 à foils). Après le caillou patagon, il restera près de 7 000 milles orthodromiques (route directe) à parcourir ! De quoi relancer le débat, surtout si les écarts sont faibles au passage de l’île des États…

La rédaction du Vendée Globe / DBo.

La semaine
en images !

Vidéo de la semaine

Photos de la semaine

La semaine
en écoute !

Fermer

Les voix du globe #49

Quand est-ce qu’on mange ?

Les voix du globe #48

En pourparlers

Les voix du globe #47

Joyeux Noël !

Les voix du Globe #46

Deux salles, deux ambiances

Les voix du Globe #45

Petits rituels, grands bonheurs

Les voix du globe #44

Passera, passera pas...

Les voix du globe #43

Destination inconnue